Les heures se suivent, se succèdent avec une lenteur qui te fait doucement basculer vers la folie. Tu n’écoutes pas ce que déblatère le professeur, tu ne lis même pas ce qu’il étale négligemment sur le tableau avec de la craie blanche. Tu ne sais même plus quel sujet tu es actuellement censée étudier. Un coup d’oeil rapidement jeté au tableau, un soupir las quittant tes lèvres entr’ouvertes … De l’histoire. Tu ne détestes pas cette matière, mais tu ne l’apprécies pas particulièrement non plus. Le professeur est sympathique, la matière ne te paraît pas pour autant passionnante. Mais peut-être est-ce dut au fait que tu n’aimes pas le lycée, la structure scolaire en elle-même. Rassembler des adolescents que les hormones rendent instables et beaucoup trop sentimentaux … Il n’y a pas de plus belle erreur selon toi. Les moqueries qui volent, les drames adolescents qui circulent … Il n’y a rien de pire. Tu n’as pas le temps ou l’énergie pour cela et pourtant tu es bien obligée de supporter ces âneries. Ton père est un adulte plutôt cool – tu t’en rends compte maintenant, belle idiote que tu es – mais il tient aussi à ce que tu t’armes d’une bonne éducation pour pouvoir naviguer dans le monde comme tu l’entends. Il n’était pas ravi d’apprendre que tu séchais les cours, mais du moment que tes notes ne chutaient pas, il ne disait trop rien. Mais quand celles-ci ont commencé à piquer du nez … Il a gonflé le torse, s’est redressé de toute sa hauteur pour t’ordonner sans détour de reprendre le chemin de l’école. Impressionnée par un tel acte d’autorité, tu n’as pas su le contredire. Et te voilà donc avachie sur ton bureau, à te languir d’ennui. Tu lui en veux un peu, de te forcer la main de cette façon, mais tu ne peux pas dire que tu sois véritablement en colère contre ton paternel. Il ne veut que ce qu’il y a de mieux pour toi, après tout. Et ça, tu ne peux pas le lui reprocher.

Néanmoins, quand la sonnerie retentit pour annoncer la fin des cours de la matinée, tu es l’une des premières à bondir, sac hissé sur ton épaule droite. Tu joues un peu des coudes pour sortir de la salle de classe sans tarder, poussant sans ménagement quiconque oserait se dresser sur ton chemin. Tu n’es pas subtile, Billie. Tu ne l’as jamais été. Alors tu ignores les grognements et plaintes de tes camarades pour te presser à l’extérieur du lycée, tandis que tous les autres se précipitent au réfectoire pour combler cette sensation de faim qu’ils ressentent depuis 10h ce matin. Tu n’as pas faim, toi. Pas encore. Tu te diriges rapidement vers l’extérieur du lycée et fais le tour du bâtiment sans hésiter. Tu t’arrêtes à l’arrière du bâtiment, dans un recoin où tu te fais discrète. Tu farfouilles un moment dans les poches de ta veste. Tu en sors un paquet de cigarettes acheté le matin même et un briquet qui doit dater du début de l’humanité. Tu arraches l’emballage sécurisant la fermeture complète du paquet et tu ne tardes pas en tirer un petit bâtonnet nicotiné. Tu coinces la cigarette entre tes lèvres, le temps de ranger le paquet qui t’encombre plus qu’autre chose, puis tu l’allumes sans ciller. Tu prends une profonde inspiration. Les muscles de ton corps se détendent alors que la fumée emplie tes poumons, alors que la nicotine te monte à la tête. Tu recraches un nuage gris dans un soupir d’aise, tandis que tu laisses ton sac tomber par terre et que tu t’adosses contre le mur en briques. Tu as l’air nonchalante, ainsi. Tu t’en fous.

Tu tiens juste à profiter du peu de rêpit que t’offre cette pause cigarette. Au calme, loin des autres, loin du monde.

☾ anesidora