Le Caire, la Hollande, les États-Unis, et finalement Hawkins, c’était un sacré parcours. Ses livres dans les mains, Jason essayait d’imaginer ce que ça pouvait faire de changer comme ça de pays. Ce n’était pas un simple déménagement dont on parlait, c’était un changement de langue, de culture, de climat, un vrai chamboulement dont il ne pouvait pas vraiment se rendre compte. Il n’aurait pas deviné que le tranquille bibliothécaire venait de si loin, et avait vécu tant de choses. Lui, à côté, avait l’impression de mener une vie bien tranquille, enfin, si on omettait ses pouvoirs de x-men et quelques détails du même genre.

« J’ai toujours vécu ici oui, enfin pour autant que je sache. J’ai été adopté quand j’avais cinq ans, du coup je ne sais pas trop d’où je viens, c’est un peu un sujet tabou à la maison. »

Jason était revenu s’asseoir à la table qu’ils avaient prise plus tôt, il soupira. Il avait longtemps posé des questions sur ses origines à ses parents adoptifs, surtout quand il avait une dizaine d’années, mais s’était à chaque fois heurté à un mur. Ses parents ne voulaient pas en parler, ils ne voulaient pas non plus qu’il cherche ses origines de son côté. Il avait toujours trouvé ça profondément injuste, mais maintenant, il pensait comprendre pourquoi il y avait autant de secrets autour de ses origines.

« Mes parents doivent savoir des choses… »

Cela dit, s’ils savaient quelque chose, pourquoi le lui cacher ? C’était la grande question que Jason se posait, celle qui faisait qu’il ne leur parlerait pas de ce qu’il lui arrivait. Ils n’étaient pas francs avec lui, ils ne l’avaient jamais été, préférant le garder dans l’ignorance et le surveiller. Ce n’était pas comme ça qu’on créait une relation de confiance, et justement, l’adolescent n’avait pas confiance en eux, surtout pas en sa mère. S’il y en avait une qu’il suspectait tout particulièrement, c’était bien elle.

« Oh, et il y a ça aussi, je l’ai toujours eu, mais je sais pas ce que ça veut dire. »

Il retroussa sa manche et montra à Jason senior son tatouage, un 009 gravé sur son poignet. Ça non plus, ses parents ne voulaient pas en parler, ils faisaient comme si ça n’avait aucune importance. Mais c’était important, pour lui en tout cas. Quel genre de malade pouvait tatouer un numéro sur le bras d’un enfant, et dans quel but ? Ça avait forcément un sens. En tout cas, lui, ça lui faisait penser au bétail que l’on marque, et ce n’était pas une pensée qui le mettait en joie. Est-ce qu’à un moment donné de sa vie, il avait été traité comme une bête curieuse ? Est-ce que ça avait un rapport avec ce qu’il vivait aujourd’hui ? C’était très possible, et ça le laissait profondément songeur. Soupirant, Jason regarda un peu les livres qu’on venait de lui donner, mais il n’y avait rien à faire, il n’arrivait pas à se sortir de la tête tout ce qu’il lui arrivait.

« Me protéger ? »

Jason fronça un peu les sourcils, c’était une possibilité, bien sûr, mais il voyait mal en quoi refuser de lui dire d’où il venait pouvait le protéger. Dans d’autres cas peut-être, mais s’il était susceptible de développer des super-pouvoirs, il aurait sans doute mieux valu le mettre au courant, non ? Ou lui expliquer la signification de ce numéro qu’il portait, parce qu’il était évident qu’il allait se poser des questions à ce sujet à un moment ou à un autre. À la limite, il aurait presque trouvé plus logique qu’on lui mente, qu’on lui donne une explication un peu bancale mais qui aurait pu tenir au moins quelques années. Parce que faire l’autruche en espérant qu’il soit assez bête pour ne pas tenter d’éclaircir tous ces mystères un jour, c’était franchement stupide de son point de vue. Ou alors c’était peut-être le but, le faire douter, chercher, et finalement exploser, ce qui permettrait à ses parents de savoir que quelque chose clochait, qu’il avait peut-être découvert un truc. Et de là, il ne savait pas, que feraient ses parents s’ils apprenaient qu’il avait des pouvoirs, s’ils avaient toujours su que ça finirait par arriver ? Rah, Jason ne savait plus quoi penser. Il devenait peut-être parano, mais la possibilité qu’il soit sur le bon filon n’était pas à exclure non plus.

Le tatouage qu’il portait sembla faire réagir Jason plus que tout ce qu’il avait pu lui dire avant. L’adolescent fut un peu surpris de le voir soudain afficher un air plus grave. Il avait toujours eu ce tatouage, et même s’il ne l’aimait pas, il s’y était habitué. Il ne l’avait presque jamais montré non plus, et ne se rendait plus tellement compte que ça pouvait être choquant. L’expression du bibliothécaire lui remettait les idées claires sur ce point-là. Cette marque n’avait rien de normale, et la raison pour laquelle il l’avait devait être assez glauque. On ne tatoue pas les enfants en règle générale. Sombrement, il marmonna en haussant les épaules.

« Je viens peut-être d’un genre de camps de concentration. »

Ça ne l’amusait pas de dire ça, ça n’avait rien de drôle. Il avait subitement repensé à ses cours d’Histoire, et ça lui glaçait le sang d’imaginer qu’un tel endroit puisse exister à leur époque et dans leur pays. En admettant qu’il soit bien né ici, ce qui restait à prouver après tout. Le bibliothécaire, en tout cas, semblait vraiment prendre les choses au sérieux maintenant, et proposa de faire aussi des recherches.

« Vous feriez ça pour moi ? »

Jason en fut un peu surpris, mais très touché. Avoir un allié pour démêlé avec lui tout ce bazar était vraiment inespéré. Et puis il savait déjà tellement plus de choses que lui, peut-être pourrait-il trouver des pistes qui ne lui seraient jamais venues à l’idée.

« C’est pas dérisoire du tout. Merci beaucoup, un peu d’aide ne ferait pas de mal. Je sais même pas où chercher pour tout vous dire. »

À part les deux livres que Jason lui avait donnés, il n'avait en effet aucune piste, mais maintenant au moins il pouvait en discuter avec quelqu'un.