Treize et Rebecca étaient dans la mouise jusqu’au cou, le simple fait d’être là à se parler constituait un sérieux danger pour l’un comme pour l’autre. Et si le jeune homme continuait à chercher des solutions et à espérer, sa camarade avait apparemment déjà baissé les bras. C’était tellement injuste, ceux qui leur avaient volé leur vie profitait tranquillement de la leur, pendant qu’eux s’échinaient à se cacher et mentir pour se préserver un minimum. Il devait bien y avoir un moyen d’inverser les choses, non ? Quinze avait essayé de dénoncer ce qu’il se passait au Centre, et ça avait failli lui coûter la vie, mais elle ne renonçait pas pour autant. Treize n’avait pas envie d’abandonner non plus, quitte à se retrouver à nouveau dans une situation délicate.

Quand Rebecca lui signala qu’elle avait une arme, mais qu’elle ne sentait pas capable de s’en servir contre quelqu’un, il hocha la tête, réfléchissant. Il comprenait parfaitement sa façon de penser puisque lui-même ne se sentait pas capable de blesser une autre personne. Même face à Solal, il n’avait pas pu, et pourtant, s’il y avait quelqu’un qui méritait une bonne correction, c’était bien lui. Peut-être que Treize avait juste trop d’empathie, mais l’idée de faire souffrir les gens lui faisait mal aussi. Pourtant, aussi naïf qu’il put être, il sentait qu’un jour il n’aurait pas le choix, car c’était bien une guerre qu’il allait devoir mener.

« Qu’est-ce que tu sais sur Autumn ? »

Protéger les enfants avant tout, c’était ce qu’il s’efforçait de faire du mieux qu’il le pouvait depuis qu’il s’était échappé. Aussi, si l’adolescente lui avouait qu’elle savait où sa petite sœur se cachait, il ferait de son mieux pour lui trouver un abri plus sûr ailleurs. Ça n’allait pas être simple, mais c’était le moins qu’il puisse faire pour Five, cette petite l’avait en plus sauvé quand il s’était fait capturer. Il ne la laisserait certainement pas vivre dans un endroit qui pouvait être dangereux pour elle.

« J'ai jamais menti avant, donc je dois certainement être une très mauvaise menteuse. Je sais pas trop ce que tu pourras faire pour ça mais si tu as une idée, je suis prête à tester. »

Treize médita un peu là-dessus, et s’arrêta enfin de se promener dans la pièce comme un tigre en cage. Il n’y connaissait pas grand-chose en mensonge, et n’était absolument pas certain que forcer la jeune fille à fermer son esprit aux intrusions d’un télépathe puisse vraiment affecter son attitude face à Solal. Peut-être aurait-elle un meilleur contrôle de son esprit, mais ça ne changeait rien au fait qu’elle devait quand même donner quelques informations pertinentes si elle ne voulait pas subir la colère de l’agent. Savoir contenir ses pensées ne ferait pas tout, malheureusement, mais il continuait de réfléchir à la question. En attendant, il avait présenté le sifflet de Solal à la jeune fille qui n’avait pas manquait de l’interroger là-dessus. Treize se passa une main dans les cheveux, pas vraiment sûr d’avoir les mots pour expliquer exactement ce qu’il se passait en lui quand il entendait ce son-là.

« C’est juste le bruit que ça fait. À la maison, ça voulait toujours dire que quelque chose de mauvais allait m’arriver. Maintenant c’est lié dans mon esprit, ça me fait mal comme des pointes partout dans le corps. Il faut que j’apprenne à supporter ça, sinon on m’aura encore. »

Vu la tête qu’il faisait, Treize appréhendait plutôt pas mal de se confronter une nouvelle fois au son que pouvait produire le sifflet. Il ne pensait pas avoir le choix, cela dit, s’il ne faisait rien il était évident qu’il ne résisterait pas à une nouvelle attaque d’un agent de la CIA. Et en parlant d’attaque, Rebecca lui posa des questions plutôt pertinentes sur la façon dont il voyait les choses.

« Les attaquer ? Oui, bien sûr que je veux. » Il regarda la jeune fille, l’air presque étonné qu’elle pose la question. « Je veux sortir mes frères et sœurs de là-bas, je veux qu’ils soient libres, mais les méchants, ils ne s’arrêteront jamais si personne ne fait rien. »

Sa vision des choses était sans doute très différente de celle de Rebecca. Treize était prêt à se sacrifier s’il le fallait, si ça pouvait en sauver d’autres.

« Je ne dis pas que je vais attaquer maintenant. Il faut que je guérisse, et que je trouve des gens pour m’aider, mais oui, il faut arrêter ça. C’est allé trop loin. »

En disant ça, il ne pensait pas seulement aux expériences terribles menées sur lui-même et sur ses frères et sœurs. Il y avait aussi cet étrange portail menant à une réalité différente, et puis le monstre et toutes les bizarreries qui avaient lieu en ville. Il fallait stopper tout ça, sinon, allez savoir ce qui allait arriver. Le laboratoire devait absolument disparaître, et pour ça, il fallait bien que certains se dressent contre lui.

Si Rebecca avait plusieurs fois mentionné avoir croisé une étrange gamine appelée Autumn, Treize ne tarda pas à lui demander ce qu'elle savait exactement sur elle, et la jeune fille se fit aussitôt songeuse. Fouillant dans sa mémoire afin de retrouver ce qu'elle essayait habituellement d'oublier afin de ne jamais trahir cette môme par inadvertance. Par un mot, une réaction, un regard inapproprié. Un signe malheureux qu'elle en savait davantage qu'elle ne voulait bien l'avouer. Mais pour le coup, elle ne savait effectivement pas grand chose, et sa réponse fut donc des plus synthétique.

« Je ne sais presque rien en fait … elle s'appelle Autumn, habite Hawkins … ah et elle a peur de l'eau. Sinon, je lui ai surtout dit d'éviter de parler aux gens ou de montrer ses pouvoirs, mais je crois que je lui ai fait peur sans le vouloir. »

Dommage d'ailleurs que la petite n'ait pas eu peur avant, parce que ça l'aurait peut-être empêché de parler à Becca ! Mais maintenant que le mal était fait, la gamine comprenait que Treize lui posât la question, histoire de s'assurer qu'aucune menace ne pesât sur sa sœur si jamais elle venait à craquer et tout avouer à Solal. De cette seule idée qui lui faisait toujours aussi peur … là où le jeune homme semblait par contre bien décidé à affronter ses propres peurs !

Parce qu'en lui tendant le sifflet, il était évident que cette expérience l'angoissait et qu'elle n'allait pas être très agréable pour lui, et l'entendre affirmer qu'il voulait attaquer la CIA tira un sourire presque peiné à Rebecca. Rebecca qui aurait bien voulu mettre un peu de bon sens dans cette conversation afin de rappeler à Treize qu'il n'avait aucune chance, mais non. Elle préférait encore se taire. Se taire et ne pas briser ces projets qu'il paraissait vouloir mener à bien, et ce quel qu'en fût le prix. C'était aussi idiot que courageux au final, et ça mettait presque la jeune fille mal à l'aise.

« Je suis d'accord avec toi sur le principe mais … je sais pas, t'as pas peur de juste te faire tuer si tu les attaques ? Ils doivent certainement être très nombreux, et bien entraînés aussi. C'est pas juste … des gamins … »

Quelques mois plus tôt, si on avait demandé à Becca de quoi elle aurait été capable pour protéger les siens et défendre ses convictions, la gamine se serait certainement laissé entraîner dans de grandes démonstrations de courage. Affirmant qu'elle se serait battue contre vent et marée, qu'elle n'aurait jamais reculé, qu'elle n'aurait failli pour rien au monde ! Mais aujourd'hui … aujourd'hui elle se sentait terriblement lâche à vivre ainsi recluse dans sa peur. Aujourd'hui, elle se faisait honte …

« T'as l'air prêt à tout pour aider tes frères et sœurs alors que moi je voudrais juste disparaître dans un trou de lapin pour qu'on m'oublie définitivement. Tu as vraiment du courage … alors que moi je suis franchement pitoyable. »

Pitoyable ou pas, il était évident que l'estime d'elle-même était devenue une denrée extrêmement rare, et même en l'avouant ainsi, Rebecca se se sentait toujours pas prête à agir. Trop engluée dans sa peur pour pouvoir se débattre. Mais en arrivant dans cette ville où elle ne connaissait personne, elle n'avait de facto personne à protéger ni sur qui compter, et cette solitude lui était extrêmement pesante. De même qu'elle avait toujours des difficultés à admettre la mort de ses parents. Preuve s'il en était besoin que la CIA l'avait enchaînée avec brio … et que ça n'avait franchement pas été très compliqué vu la minable qu'elle était !

Mais à force de creuser encore et encore, elle allait bien finir par atteindre le fond. Et si elle l'atteignait le fond, elle ne pourrait que remonter … n'est-ce pas ?

« J'aimerais bien être comme toi et avoir le cran de défendre ce en quoi je crois … mais je sais pas quoi faire. Le seul fait de penser à Solal me fait peur mais malgré tout, j'aimerais pouvoir t'aider. Je ne sais pas comment, mais j'aimerais t'aider quand même. »

C'était certes timide et hésitant, mais c'était tout de même un engagement. Un engagement à aller de l'avant. Un engagement qu'elle espérait ne pas regretter.

Treize fut assez soulagé d’apprendre que Rebecca ne savait que très peu de choses sur Autumn. Elle ne savait pas précisément où elle vivait, et ne risquait pas de la mettre en danger avec le peu d’informations qu’elle connaissait. Dans le pire des cas, la CIA saurait qu’elle est en vie et se cache dans le coin, mais c’était vrai pour beaucoup d’autres sujets, lui y compris. Il sourit faiblement quand l’adolescente lui demanda s’il n’avait pas peur de se faire tuer. Il avait déjà frôlé la mort il n’y a pas si longtemps, et rien que d’y penser, il se sentait clairement terrifié. C’était même pire maintenant, avec le recul, sur le moment, quand Solal lui tirait dessus, il n’avait pas vraiment réalisé ce qu’il se passait. Il était trop préoccupé par sa fuite. C’était un peu comme le moment où il avait échappé au demogorgon, là aussi il lui avait fallu du temps pour réaliser la folie qu’il avait faite en traversant cet étrange portail au fin fond du laboratoire.

« J’ai peur oui, je sais qu’ils sont plus forts, mais ça ne s’arrêta jamais si personne ne fait rien. Il y aura d’autres gens comme toi et moi, encore et encore. »

Treize allait peut-être y perdre la vie, mais quelle vie allait-il avoir s’il ne faisait rien. Il n’avait que deux options, se cacher en espérant qu’on ne le trouve pas, ou bien retourner au laboratoire. Toute sa vie, il avait eu peur, qu’on le frappe, qu’on l’enferme, qu’on lui fasse du mal d’une façon ou d’une autre. Il avait été plus que coopérant, il n’avait jamais fait de vagues, est-ce que ça avait rendu les choses plus faciles ? Oh que non. Alors maintenant il voulait se rebeller, quel qu’en soit le prix. Ce n’était pas la meilleure option, mais c’était la seule qu’il avait. Rebecca aussi avait un choix à faire, et visiblement elle ne voulait pas suivre la même voie que lui.

« Je suis pas sûr que ce soit du courage, je sais pas trop ce que ça veut dire ce mot, mais c’est plutôt… Hum… Je ne peux pas savoir ce que ça fait de perdre quelqu’un comme ça t’es arrivé, et tu ne peux pas savoir ce que ça fait de vivre comme j’ai vécu, mais moi ça me rend triste, et en colère en même temps. Je veux qu’ils payent pour ce qu’ils ont fait. »

Le jeune homme n’était pas animé par un désir de vengeance, mais plutôt un rêve de justice
que les méchants se fasse attraper, subissent les conséquences de leurs actes, et que ses frères et sœurs soit libres. Dire que c’était un rêve presque inaccessible était un doux euphémisme. Il y avait tellement de choses à prendre en compte, et ils étaient si peu nombreux que tout ça paraissait impossible aujourd’hui. Mais il ne voulait pas, ne pouvait pas renoncer, peut-être qu’un jour, il se remémorerait ce moment en se disant que c’était là qu’avait commencé sa rébellion, et que ça avait été la meilleure, ou la pire décision de sa vie. Treize eut un mince sourire en entendant que Rebecca voulait l’aider, elle n’avait pas l’air très sûre d’elle, tout ce qui émanait d’elle était un peu confus, mais elle voulait quand même agir, et c’était déjà beaucoup. Il réfléchit un peu.

« Ce qu’il me faut, c’est que je m’entraîne, dans le corps, et dans la tête. » Il loucha sur le sifflet diabolique un instant. « Et aussi, il faut en savoir le plus possible sur la maison, la CIA, les autres comme moi… Tout ce qu’on peut trouver. Toi, tu vas dans ce truc, l’école, tu sais où on pourrait aller pour apprendre des choses comme ça ? »

Treize savait lire, même s’il manquait de pratique, il se demandait donc s’il n’y aurait pas des livres ou des journaux qui pourraient parler de ce sinistre laboratoire. Après tout, Andy avait voulu parler de ce qu’il lui était arrivé aux médias, ce n’était probablement pas la première à avoir fait ça. La moindre trace qu’ils trouveraient serait bonne à prendre, ils en savaient si peu sur leurs ennemis au final. Il avait beau être naïf, même Treize ne se lancerait pas à l’attaque sans savoir exactement ce qu’il pourrait faire, et ce qu’il risquait.

« Le courage, c'est … c'est pas facile à expliquer. C'est quand tu sais que tu seras en danger si tu agis, mais que tu agis quand même. Pour protéger ou pour aider quelqu'un par exemple. »

Une définition qui était certainement un peu simpliste et confuse, mais le principe était là quand même. Après tout, Treize aurait très bien pu choisir de s'enfuir loin de Hawkins pour espérer vivre une existence plus tranquille loin de la CIA, mais non. Malgré ses blessures et malgré son énorme manque d'organisation, il semblait bien décidé à attaquer le laboratoire pour sauver ses frères et sœurs, et Rebecca ne savait toujours pas s'il s'agissait là de courage ou de suicide. De même qu'elle ne savait toujours pas si elle devait l'aider, le fuir, ou le dénoncer. Ou plutôt si, elle avait tout de même une petite idée … En tout cas, elle savait qu'elle ferait tout pour ne pas le dénoncer, qu'elle n'avait pas envie de le fuir, mais qu'elle avait tout de même peur de l'aider. Ou comment avouer que la tempête rugissant sous son crâne ne l'aidait vraiment pas.

Mais quelques instants plus tard, Treize reparla du sifflet avant de lui poser une question pour le moins étrange. Le tout poussant la jeune fille à froncer les sourcils dans un air clairement paumé. Dubitatif. Parce que son interlocuteur était tellement à côté de la réalité qu'elle ne savait pas trop ce qu'elle devait lui répondre.

« On peut essayer pour ce sifflet, si c'est vraiment ce que tu veux … »

De cette décision qui ne semblait vraiment pas l'enchanter mais après tout, Becca n'était pas du genre à apprécier de faire du mal aux gens, ce qui se comprenait assez bien. Et ce même si, en acceptant d'aider Treize dans cette idée, elle pourrait toujours … le soutenir moralement et physiquement ? Être au moins là ? À vrai dire, elle ne savait pas trop, mais après le mal qu'elle lui avait fait, elle tenait sincèrement à se racheter.

« Par contre la CIA, c'est quelque chose de secret, tu sais. Tout le monde sait que ça existe mais personne ne sait qui en fait partie. Ou alors ce qu'ils font. Et ceux qui le savent se font généralement tuer pour que le secret ne s'ébruite pas. Par exemple pour le laboratoire de Hawkins, c'est officiellement un centre pour l'électricité, mais personne ne sait ce qui s'y passe réellement. »

Et bordel, que cette histoire avait l'air capillotractée !
Mais pour le coup, elle était malheureusement véridique, et ce même si Becca se rendait bien compte que tout ça avait l'air étrange. Incohérent. Idiot presque.

« L'école c'est un endroit où tu apprends … des mathématiques, de la science, de la littérature, de l'histoire, du sport … pas vraiment des trucs utiles en fait, tu comprends ? Mais on apprend vraiment rien sur la CIA, désolée … »

Découvrir des informations sur la CIA, la laboratoire, ou les autres gens comme Treize … de cette simple perspective qui ne la rassurait pas vraiment. Parce que si jamais Astings ou quelqu'un d'autre du genre apprenait qu'elle était en train de fureter, elle ne pourrait qu'avoir des ennuies, et elle en avait peut-être suffisamment pour ne pas en rajouter encore une couche.

« Peut-être que des journaux en ont déjà parlé, mais je suis pas sûre. Après, je pense que ça doit être plus facile de trouver aussi dans une grande ville mais ici … tout le monde se connaît, tout le monde se surveille un peu aussi. Et puis avec le laboratoire, j'imagine qu'il y a plusieurs agents de la CIA en ville, mais impossible de savoir qui. »

Elle était sans doute paranoïaque, mais elle préférait se méfier de tout le monde ! Surtout qu'elle ne connaissait finalement personne, alors la CIA pouvait très bien se cacher derrière le prof d'histoire, l'infirmière scolaire, un flic, un plombier ou encore une innocente petite vieille.

« Mais … ne réponds pas mais … si jamais il y a d'autres personnes comme toi qui sont dehors, vous devriez peut-être vous rassembler pour en discuter, non ? »

Et ce même si ce n'était peut-être pas une si bonne idée que ça, surtout s'ils étaient tous aussi à côté de la plaque que Treize …

« Tu veux que j'essaye de jeter un coup d’œil à la bibliothèque, des fois que je trouve quelque chose ? »

Pour un peu, Becca aurait presque souhaité qu'il refusât. Elle ne savait vraiment pas ce qu'elle voulait.

Du haut de ses vingt-neuf ans, Treize ignorait énormément de choses sur le monde qui l’entourait, ce n’était pas nouveau. Il parlait bien pour un sujet, grâce aux nombreuses heures qu’il avait passé dans le void à simplement écouter les gens. Cela dit, il n’avait pas un vocabulaire énorme non plus, et les notions un peu abstraites comme les sentiments lui échappaient largement. Aussi écouta-t-il avec attention les explications données par la jeune fille, elles étaient plus que nécessaire. De ce qu’elle disait, en tout cas, il pouvait en déduire qu’il était courageux. Il trouvait quand même ça un peu étrange car au fond, il mourrait de trouille, mais en effet, il comptait bien se mettre en danger pour ses frères et sœurs. Et si Rebecca était d’accord pour l’aider, ça n’en serait que mieux. Elle était d’ailleurs prête à essayer le sifflet, mais pour le coup c’est lui qui hésitait un peu. Il ne savait pas concrètement comment faire pour ne plus être aussi sensible au son qu’il produisait. Est-ce que l’entendre encore et encore allait y changer quelque chose, ou allait-il simplement souffrir pour rien. Il n’y avait qu’en essayant qu’il le saurait sans doute.

L’adolescente avait cependant pas mal de choses à lui apprendre avant ça, ne serait-ce que sur la CIA. Alors comme ça le Centre était officiellement quelque chose pour l’électricité. Il comprenait un peu mieux pourquoi Noé mentait au sujet de son travail. Est-ce que lui aussi risquait la mort s’il révélait quoi que ce soit ? C’était plus que probable. Sa description de ce que l’on faisait à l’école l’intéressa aussi, apparemment on y apprenait plein de choses fascinantes. Il aurait bien aimé y aller, mais il était sûrement trop vieux pour ça malheureusement. Dommage qu’il n’y ait pas de cours sur la CIA, mais en même temps, si c’était top secret, ce n’était pas étonnant.

« Tout le monde se surveille ? C’est si petit que ça Hawkins ? »

Ce n’était pas la première fois qu’il entendait dire que Hawkins était une petite ville. Pour lui, c’était immense au contraire, et il n’arrivait pas à imaginer à quoi ressemblaient les villes plus grandes. Lui qui se perdait déjà un peu ici, et qui n’avait jamais vu autant de monde réunit au même endroits. Ce devait être vraiment renversant ailleurs. Heureusement, pour ce qui était de repérer les agents planqués dans la ville, Andy était là, avec son pouvoir, rien ne lui échappait.

« Mais … ne réponds pas mais … si jamais il y a d'autres personnes comme toi qui sont dehors, vous devriez peut-être vous rassembler pour en discuter, non ? »

Treize hocha la tête, ce serait parfait s’ils pouvaient faire ça.

« J’aimerais, mais c’est compliqué et dangereux. »

Compliqué parce que tout le monde ne pouvait pas accéder au void, et étaient donc difficile à contacter, et dangereux parce qu’ils feraient une proie facile, surtout que Treize n’éliminait pas la possibilité que certains sujets travaillaient pour la CIA. Ne serait-ce que Jayden, le frère de Noé. Ça faisait beaucoup de choses à prendre en compte avant de tenter le moindre rapprochement. Andy n’avait même pas prit le risque de le contacter lui, après son évasion, ça voulait tout dire. Elle savait qu’elle devait être prudente, qu’ils devaient tous l’être. C’était le seul moyen de rester vivant et libre, mais Treize avait du mal à s’y plier, il voulait agir malgré le danger. Il ne voulait plus voir les siens souffrir. Rebecca parla ensuite de la bibliothèque, c’était sûrement cet endroit plein de livres qu’il avait visité rapidement pendant l’une de ses promenades. Il devait y avoir des informations sur des tonnes de sujets là-dedans, et peut-être sur ce laboratoire du coup.

« Oui, ce serait bien. Mais je n’ai pas encore trouvé comment faire pour se revoir. »

La dernière fois qu’ils s’étaient donné rendez-vous, ça s’est plutôt mal terminé, et Treize n’était pas assez bête pour refaire la même erreur. Il leur fallait trouver une autre façon de faire, sinon ça n’allait pas être gérable.

« Je reviens te voir sans prévenir, comme aujourd’hui ? »

Pour l’instant, c’était la seule solution qu’il voyait, à moins que Becca ait une autre idée. Treize pouvait aussi lui donner des rendez-vous à la dernière minute, par le téléphone où la radio, mais on ne sait jamais, ça pouvait se remarquer si la CIA surveillait les communications. Il y avait aussi le risque qu’il vienne la rejoindre pendant qu’un agent la surveillae. Bref, tout ça, même ce qui paraissait simple pour le commun des mortels devenait un peu compliqué quand il s’agissait d’eux.

La question concernant la taille de Hawkins tira un léger sourire à Rebecca, qui malgré le stress demeurait amusée par l'innocence et le côté décalé de Treize. Un amusement qui ne tournait d'ailleurs pas à la moquerie – loin de là même – mais disons seulement que son interlocuteur avait un côté inédit. Rafraîchissant. Comme si ses paroles simplifiaient les choses là où sa simple présence les complexifiaient pourtant.

« Oui c'est vraiment petit Hawkins, et puis c'est un peu isolé aussi. Quand j'habitais Indianapolis, il y avait beaucoup plus de monde, et c'est donc impossible de connaître tout ce peuple là. Tu peux découvrir sans arrêt de nouvelles personnes, tu peux te balader des heures et des heures en découvrant toujours de nouveaux quartiers, c'est juste génial ! Mais Hawkins … c'est petit. Tout le monde se connaît forcément, donc toutes les personnes qui sont nouvelles sont repérées immédiatement. Et puis les gens aiment bien parler sur les autres, c'est souvent le soucis de la campagne, les gens sont comme ça … »

Si parler d'Indianapolis suscitait toujours une certaine excitation chez la jeune fille, il était évident que sa nouvelle ville de résidence l'enchantait beaucoup moins. Parce qu'elle avait du mal à s'y faire. Parce que les circonstances n'aidaient franchement pas non plus. Mais pour quelqu'un comme Treize qui avait toujours vécu enfermé, il était évident que même un patelin paumé devait paraître intimidant, et ce fut tout naturellement que Becca en arriva à une nouvelle proposition.

« Si tu veux … enfin non, laisse tomber. J'allais te proposer qu'on se balade en ville pour découvrir un peu à l'occasion, mais c'est franchement pas une bonne idée. Mieux vaut oublier. »

Après tout, la CIA devait parfaitement connaître le visage du jeune homme, aussi n'aurait-il pas été prudent pour lui d'aller se trimbaler tranquillement à la vue de tous. De même qu'il était chaudement déconseillé à Rebecca d'être surprise en sa compagnie ! Et pourtant, sa solitude imposée était bien lourde à porter, et pouvoir revoir Treize lui aurait réellement fait plaisir. Surtout lorsqu'il lui sembla détecter de la déception quand il lui expliqua qu'il ne pouvait pas voir ses frères et sœurs à cause du danger représenté. De ce danger qu'elle connaissait, assez paradoxalement, et dont elle se serait pourtant bien passée.

Et lorsque Treize acquiesça à son idée d'aller passer un peu de temps à la bibliothèque pour se renseigner sur Hawkins et son laboratoire, Becca sentit sa gorge se nouer. Une certaine inquiétude se saisissant à nouveau d'elle tandis qu'elle regrettait presque sa proposition. Mais après tout, elle allait simplement consulter de vieilles coupures de journaux, alors ça ne devrait pas être trop dangereux … n'est-ce pas ?

« J'essayerai de te trouver un maximum d'informations … et j'aimerais bien te revoir, oui. »

C'était imprudent au possible, c'était totalement déraisonné … mais oui, elle avait vraiment envie de le revoir. Parce qu'il savait qui elle était et qu'il pouvait donc se décider en toutes connaissances de cause. Parce qu'elle l'appréciait malgré le passif qui aurait pu stagner entre eux mais que leur conversation avait … mais avait quoi au juste ? Expliqué ? Dissipé ? Pardonné ? Pour Becca, il était évident qu'elle s'était expliquée, mais elle n'osait toutefois pas demander s'il lui en voulait encore ou alors s'il lui pardonnait. Sans doute par peur de la réponse d'ailleurs …

« Le problème c'est que j'ai toujours peur d'être surveillée comme je ne sais pas qui est de la CIA mis à part Solal. Je suis sûrement parano mais j'ai l'impression qu'on me surveille en ville alors … disons qu'on ne doit jamais se voir en ville, d'accord ? On pourrait d'ailleurs se retrouver ici, mais je ne sais pas trop comment tu pourrais me contacter, et je préfère ne rien savoir de plus … »

Après tout, cette cabane défraîchie semblait effectivement être un endroit sûr, mais pour combien de temps ? Astings n'était en effet pas un enfant de cœur, et la gamine ne pouvait pas ignorer qu'elle serait peut-être forcée de balancer cette information un jour ou l'autre.

« Mais dans tes pouvoirs, il n'y en a pas un qui pourrait te permettre de savoir quand est-ce que j'aurais besoin de te parler ? Ou alors qu'on se contacte mais sans que personne ne puisse le savoir ? »

Treize était un Jedi après tout, alors il devait sans doute avoir encore bien d'autres pouvoirs.