Jason ne put que remarquer le soupir de soulagement de Math lorsqu’il finit par lui dire qu’il ne raconterait rien. Vraiment ? Cette idée-là l’avait stressé à ce point ? Il ignorait bien sûr que son simple Non avait donné à son camarade des envies de meurtre, de fugue et de suicide tout en même temps, et heureusement parce que ça lui aurait vraiment fait peur pour le coup. Tout ce qu’il pouvait voir, c’était que Math était du genre stressé, mais vraiment très stressé, et pour ce qu’il lui semblait être des détails. Qu’aurait-il pu dire exactement ? Qu’il l’avait vu dans les bois ? Qu’il avait fait un genre de crise d’angoisse ? Ce n’est pas comme si ce genre de choses pouvait faire scandale. C’est le mot scandale qui lui fit comme un tilt, il se rappela à nouveau cette rumeur qui avait circulé au collège. C’était peut-être de là que venaient ses craintes. Jason n’aurait clairement pas aimé que des histoires pareilles se racontent sur lui, même si ça n’avait aucune chance d’arriver vu qu’il ne risquait pas d’embrasser un mec. Et si ses parents en avaient entendu parler aussi ? Il imaginait facilement le drame. Peut-être que c’était pour ça qu’il ne voulait pas rentrer chez lui.

Enfin bref, Jason n’était pas du genre à faire des suppositions pendant des heures. C’était un homme d’action, et inviter Math ne lui semblait pas une si mauvaise action tout bien réfléchi. Après avoir manqué de s’étouffer à nouveau, son camarade le suivit sans vraiment chercher à résister. Preuve qu’il ne devait pas trop détester sa compagnie, ou alors Jason était plus menaçant qu’il ne le croyait. Il avait même fait un sourire, c’était presque inespéré à ce stade. Il attendit que Math le rejoigne, avant de se mettre en route. Le problème, c’était qu’il n’avait pas tellement l’habitude d’avoir de la compagnie, il semblait que c’était même leur cas à tous les deux. Alors le silence s’installa une fois de plus, Jason marchait, regardant les feuilles par terre, il sentait parfois le regard de son camarade sur lui, et lui jetait aussi quelques coups d’œils quand il ne le regardait pas. Il aurait aimé être un peu comme Steve Harrington, à l’aise, toujours un truc à dire, un sourire à faire, toujours une bande de potes autour de lui. Mais il ne l’était clairement pas, et il commençait sérieusement à se demander ce qu’ils allaient bien pouvoir faire tous les deux une fois à la maison s’ils n’arrivaient même pas à discuter un peu. C’est là que Math lui reparla du monstre, il soupira, dans le fond, il devait bien avouer être un peu soulagé d’avoir une excuse pour ne pas l’attaquer tout de suite.

« J’pense pas qu’il va s’en aller comme ça. Je repartirais à sa recherche une autre fois. Ça me soûlerait vraiment de plus pouvoir me balader dans les bois tranquillement. Toi aussi, non ? »

Jason lui jeta un coup d’œil, il ne connaissait pas vraiment Math, mais il ne l’aurait pas croisé dans les bois aussi tôt s’il n’aimait pas ce genre de balades lui aussi. Ou alors il était vraiment en train de s’enfuir, mais vu sa réaction tout à l’heure ça n’était pas le cas. Bref, avant que le silence ne retombe à nouveau entre eux, il continua.

« Moi j’y suis tout le temps, quand je bosse pas à la ferme ou au lycée. Du coup ça craint avec cette bestiole. »

Il se passa une main dans les cheveux en soupirant de plus belle. Lui n’avait pas vraiment peur qu’on le trouve bizarre parce qu’il traîne tout seul dans les bois et chasse des créatures inconnues. Selon lui, tout le monde était un peu bizarre de toute façon en ce bas-monde. Continuant de marcher, les deux garçons sortirent finalement de la forêt pour se retrouver dans un très vaste champ, avec au bout quelques bâtiments agricoles et une maison qui paraissait encore toute petite vu d’ici.

« Bienvenue chez moi. »

Jason étendit vaguement les bras pour montrer que tout l’espace entre les arbres était bien chez lui. D’une certaine façon, il était un peu fier, être fermier n’était pas ce qu’il y avait de plus sexy au monde, mais avoir autant d’espace, c’était quand même du luxe, non ? Ça lui avait fait un sacré terrain de jeu quand il était gosse en tout cas. Un léger sourire aux lèvres, il suivit un chemin de gravier jusqu’à la maison.

« Ah, t’as pas peur des chiens, j’espère ? »

C’était peut-être un peu tard pour poser la question, puisque qu’il eut à peine fini sa phrase que Cosmo, Joy et Peete, trois bergers australiens, arrivèrent sur eux, l’air tout content. Jason leur fit quelques papouilles avant de continuer vers la maison. S’assurant quand même que son invité ne soit pas en pleine crise de panique devant ces nombreuses boules de poils beaucoup trop affectueuses qui lui tournaient autour.