C’était mal et il le savait. Solal prenait des allures de monstre quand il attrapait le bras frêle du gosse pour le trainer jusqu’au docteur. Bourreau plus que médecin, il trifouillait dans leur tête tel le marionnettiste qu’il était. Solal restait en retrait, immobile, silencieux. Personne ne lui avait demandé son avis, son rôle consistait à la fermer et à veiller à ce que chacun reste à sa place. Un bon chien de garde montrant les crocs à tout instant.

Pourtant, autrefois, Solal avait été autre chose qu’un tortionnaire. Il avait commencé par une carrière de soldat, jeune homme plein de fougue et de courage, il s’était démarqué par sa ténacité et sa capacité à se relever après avoir pris des coups de botte dans les dents. Après quelques années à ramper dans la crasse et à obéir aux ordres, Solal avait gravi les échelons. Si vite et si bien qu’une main titanesque et invisible s’était emparée de lui. La CIA. Sa carrière changea alors du tout au tout. Solal se retrouva embarqué dans un projet étrange, douteux, malsain. On lui demanda de surveiller des gens, des patients, des cobayes. Il les observa dépérir, devenir de vulgaires jouets qu’on utilisait à mauvais escients.

Et puis quand il croyait avoir touché le fond, quand il croyait avoir craché sur ce qu’il lui restait d’humanité, la situation empira. Les expériences s’enfuirent. Les rats avaient quitté leurs cages pour aller vivre la grande vie. Les hurlements de douleur étaient remplacés par les cris de détresse dans les labos d’Hawkins. Ils avaient perdus leurs poupées, qu’allaient-ils donc faire maintenant ? Ce que tout enfant gâté ferait : exiger.

Solal fut donc envoyé à leur recherche, traquant ces condamnés pour les ramener de force vers leur guillotine. En ville, personne ne sait réellement qui il est. Solal, aux yeux des habitants de Hawkins, est un détective privé enquêtant sur les récentes disparitions. En vérité, il n’en est rien. Ce qu’il veut, c’est retrouver ces dangers qu’on a laissé errer dans la nature. Des gens instables, des âmes égarées qui ne méritent pas ce qui leur arrive. Et pourtant, Solal est déterminé à les retrouver et à les ramener au labo. Pas parce qu’il pense que là est leur place mais parce qu’il les sait mortellement dangereux.

Et puis, il y a l’autre. Le monstre, le vrai. Celui qui n’a rien d’humain, qui n’est que la conséquence des erreurs humaines. Lui, il est bien là et il ne compte pas partir si tôt. Solal en a peur, au fond mais il ne l’admettra jamais. Peut-être est-ce là le résultat de leurs excès de confiance ? En tous cas, chaque soir quand il ferme les yeux et qu’il réalise ce qu’il est devenu, il se dit que sa pauvre mère se retournerait dans sa tombe si elle le voyait à cette heure.

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