Treize s'était échappé du laboratoire d'Hawkins.
Treize était blessé …

Depuis cinq ans qu'elle était revenue dans la ville qui l'avait sans doute vu naître, Andy avait patiemment usé de sa psychométrie afin d'en espionner tous les habitants, et ce travail avait été long. Ne lui permettant d'avancer qu'à pas de fourmis tandis qu'elle grappillait quelques informations à chaque pièce et à chaque billet. Quelque fois importantes. Quelques fois totalement triviales. Lui permettant de dresser une liste de toutes ces personnes afin de pouvoir les classer entre amis, ennemis et neutres. Les premiers étant extrêmement rares là où les deuxième l'étaient malheureusement beaucoup moins. Hawkins n'était certes pas envahie par la CIA, mais il fallait tout de même bien avoué qu'il y avait un peu trop d'agents au mètre carré à son goût !

Et si tout s'était bien passé pendant ces cinq années, l’enlèvement du petit Will Byers avait été concomitant avec d'autres informations tout aussi graves. Avec l'apparition d'une créature aussi inconnue que dangereuse. Avec l'évasion de plusieurs sujets d'expérience du labo qui s'étaient aussitôt dispersés dans la ville ou dans sa forêt. Se terrant tels des animaux effrayés que Andy avait alors pisté mais sans jamais les approcher. Pour ne pas les mettre en danger. Pour ne pas se mettre en danger. Et au milieu de ces gamins perdus, il y en avait un qui avait retenu son attention bien davantage que tous les autres : Treize. Cet enfant qui avait le même âge qu'elle et qui avait partagé sa cellule tout le temps qu'elle avait passé au laboratoire. Son meilleur ami. Son frère. Celui qu'elle avait dû abandonner derrière elle lorsqu'elle s'était enfui, et ça avait d'ailleurs été un véritable crève-cœur pour elle …

Là où Treize avait toujours été un gamin sage et obéissant, Andy avait ainsi été une gamine plus remuante, et l'adolescence avait été un véritable soucis pour les matons vu que son caractère s'était encore affirmé à ce moment-là. La poussant ainsi à défendre son frère chaque fois qu'un agent osait lever la main sur lui, quitte à ce qu'elle se prît le double ! Mais clairement, on ne touchait pas à son frère – on ne touchait à aucun de ses frères et sœurs – et lorsque la jeune femme avait appris qu'il avait été blessé, elle avait décidé de passer à l'action. D'aller parler à Noé Roberts. Puis d'aller parler à Treize lui-même.

Et en cette après-midi plutôt clémente pour la saison, Andréa s'était rendu à proximité de chez Alexander Woods. Se baladant le plus innocemment du monde autour de cette maison qu'elle savait vide de son propriétaire qui travaillait en journée. Qu'elle savait occupée par Treize surtout, parce que la peur de ce dernier devait sans doute le pousser à s'y terrer le temps de se remettre de ses blessures. De ces informations que les meuble de Roberts lui avaient directement appris. De même qu'elle savait que son frère la détecterait très certainement vu la nature de ses pouvoirs. Pouvoirs qui étaient si différents des siens …

Treize était un sujet d'expérience absolument parfait aux yeux des scientifiques de Hawkins, parce qu'il possédait tous les pouvoirs utiles à leurs recherches ! Puissant télépathe capable de se rendre sans difficulté dans la Void, de projeter sa voix ou son image, ou encore de faire usage de télékinésie, son frère avait très souvent été sollicité pour toutes formes de tests, et la petite rousse s'était plusieurs fois érigée contre eux lorsqu'elle estimait que Treize était beaucoup trop fatigué pour travailler encore. Le protégeant ainsi tandis qu'elle avait toujours été très différente de lui. Très incomplète.

Le Void, elle s'y était très rarement rendue, et elle ne maîtrisait pas.
Sa télépathie n'était que très faiblement développée.
Et elle ne savait projeter ni son image ni sa voix.

Mais depuis qu'elle était née, Andy avait d'autres pouvoirs, et en posséder moins lui permettait paradoxalement d'être bien plus efficace puisqu'elle avait pu se concentrer dessus. Ne travaillant ainsi que ces trois ''matières'' là où ses frères et sœurs devaient en développer le double. Sans compter qu'elle avait grandi. Elle avait mûri. Ses pouvoirs aussi.

Mais pour l'heure, c'était l'attention de Treize qu'elle voulait attirer, et elle s'était ainsi postée non loin de la maison. Lui permettant ainsi de détecter sa présence et de la reconnaître, avant de venir à sa rencontre.

Depuis un environ un mois, la maison d’Alexander était devenue une vraie cabane de sorcier, tout particulièrement quand il était absent. Les objets volaient à travers les pièces, la télé s’allumait toute seule, les bananes s’épluchaient dans le vide. Avec sa déprime et son bras en moins, le cobaye ne s’embarrassait plus de subtilités, ça lui demandait moins d’efforts d’agir ainsi, alors tant pis pour le reste. Au début, le chien se mettait à aboyer d’un air affolé à chacune de ces manifestations, mais maintenant, même lui n’y faisait plus attention. La mine sombre Treize laissait la poire de douche et le gant de toilette le laver, parfaitement immobile. Il évita avec soin le pansement qu’il avait toujours à l’épaule, puis arrêta tout, ouvrir la porte de la cabine d’un regard, et laissa la serviette s’enrouler autour de lui. Il se regarda un instant dans le miroir, et constata encore une fois qu’il n’avait pas bonne mine, il était livide et fatigué. Depuis l’incident Solal, il ne mangeait pas beaucoup et dormait peu, et ça se voyait, il n’y pouvait rien cependant. Il réfléchissait tellement que ça lui coupait l’appétit, et ses courtes nuits étaient agitées de cauchemars comme il n’en avait pas fait depuis des années.

Après avoir enfilé un jogging et un t-shirt, il se glissa dans son lit à nouveau. Il y passait le plus clair de son temps en ce moment. C’était le seul endroit où il avait l’impression que rien ne pouvait lui arriver, même si c’était parfaitement faux. Il s’allongea sur le dos, seule position confortable, soupira en regardant le plafond, remercia ses côtes d’avoir arrêté de lui faire mal même si elles le tiraillaient encore un peu à chaque respiration, et puis il sombra dans le void.

Il ne cherchait rien, si ce n’était le calme et le silence, il s’assit en tailleur dans le miroir d’eau sombre et resta là. C’était un peu sa façon de méditer, de canaliser ses pensées en désordre l’espace d’un moment, il n’avait pas trouvé d’autres échappatoires. Au gré de ses réflexions, des gens apparaissaient autour de lui, Alexander et Autumn revenaient souvent, Rebecca aussi. D’autres fois, c’était de parfaits inconnus, des gens qui passaient dans le quartier, ou qui ressentaient de fortes émotions. Treize les observaient tous, les écoutait, c’était peut-être un moyen de ne pas trop se pencher sur lui-même. Il perdait son temps, en vrai, rien ne pouvait effacer son sentiment de culpabilité, ses remords, ou sa colère, mais c’était des choses très nouvelles pour lui, et il n’avait pas appris à les gérer au Centre. L’après-midi arriva, un peu fatigué, Treize s’était calé sur le canapé, et somnolait plus ou moins devant un épisode de Dallas en grattant distraitement les oreilles de Snow, quand quelque chose de résolument nouveau vint titiller son esprit. Il crut d’abord qu’il divaguait, que c’était une erreur, mais se précipita quand même dans le void pour s’en assurer.

Quinze ?!

Il le pensa si fort que le mot résonna sans aucuns doutes dans la tête de la jeune femme. Elle était là, au milieu de l’obscurité, il reconnut les traits de son visage, même si elle avait bien changée depuis la dernière fois qu’il l’avait vue. Quinze, c’était sa sœur, ils avaient grandi ensemble, unis comme les doigts de la main. Il l’avait aimé comme nul autre au monde, elle l’avait protégé quand c’était nécessaire. Ils avaient surmonté bien des épreuves ensembles, et puis elle avait disparue du jour au lendemain. Ça n’avait pas été une immense surprise, Quinze voulait partir depuis bien longtemps, mais le vide qu’elle avait laissé derrière elle fut si immense qu’il avait cru qu’il n’y survivrait pas. Treize ne lui en avait même pas voulu pour l’avoir laissé, au contraire, il avait espéré le meilleur pour elle. Pendant des centaines et des centaines de jours, il l’avait suivi depuis le void, regrettant qu’elle n’ait pas les même capacités que lui, qu’ils ne puissent pas réellement communiquer. Et puis, la vie étant ce qu’elle est, il avait fini par arrêter, par reprendre sa routine, sans elle. Et aujourd’hui elle était là, si près qu’il pouvait presque la toucher.

Ma sœur… Tu étais loin, pourquoi tu es revenue ? Ici c’est dangereux…

Une petite minute, bien sûr qu’il pouvait la toucher, il lui suffisait de descendre pour ça. Treize revint dans la réalité, et sauta hors du canapé, surprenant le chien au passage. L’instant d’après il enfilait un manteau et piquait une des paires de tennis d’Alexander pour filer dehors. Il descendit l’escalier, contourna la clinique vétérinaire, et retrouva la rouquine un peu plus loin dans la rue. Il accéléra le pas, et à peine fut-il à portée qu’il la serra contre elle de son bras valide. Quand il se recula finalement, il la gratifia d’un sourire immense, ses yeux fatigués brillants de bonheur.

« Je suis content de te voir ! Oh Quinze… »

Il ne savait même pas quoi dire, il ne s’était pas du tout attendu à ça. Était-elle en ville depuis longtemps ? Treize ne s’était tellement pas attendu à la croiser ici qu’il ne l’avait même pas cherché à vrai dire. Et maintenant, elle était là, devant lui, il n’en revenait pas.

Tandis qu'elle déambulait le plus innocemment du monde autour de la maison d'Alexander Woods, Andy ne tarda pas à capter les pensées surprises de son frère, et un sourire amusé ourla aussitôt ses lèvres. Si ses talents en matière de télépathie laissaient franchement à désirer, ils lui permettaient tout de même de reconnaître les prises de contact de Treize sans les confondre avec d'éventuelles hallucinations auditives, et elle avait capté sa ''voix'' en même temps qu'une partie de ses émotions. Étonnement et joie se faisant communicatifs lorsque – enfin – elle le vit apparaître au coin du bâtiment et combler les mètres qui les séparaient d'un bon pas. Treize ans ! Ça faisait maintenant treize ans qu'ils ne s'étaient pas vu, et la jeune femme referma son étreinte sur son frère aussitôt qu'il fut à sa portée. Le serrant fort contre elle tout en veillant toutefois à ne pas blesser son bras porté en écharpe.

S'il avait l'air heureux de la retrouver, la même émotion se lisait clairement sur les traits de la rousse. À cette différence près que Treize portait encore les marques de sa rencontre avec la CIA, là où Quinze était devenue une jeune femme fière et assurée.

« Je suis contente également, tu m'as tellement manqué Treize … et qu'est-ce que tu as grandi ! »

Lorsqu'ils étaient encore enfants, son frère avait longtemps été assez petit pour un garçon de son âge, mais il fallait croire que la puberté lui avait permis de gagner bon nombre de centimètres !

« Tu as un endroit tranquille où on pourrait discuter sans être vus ? »

Avec cette question extrêmement pragmatique, la jeune femme allait peut-être briser l'ambiance, mais la sécurité était ce qui comptait avant tout à ses yeux. Si elle n'était pas entré en contact avec les expériences en fuite, c'était pour les protéger et pour se protéger, et elle ne comptait pas devenir imprudente maintenant qu'elle était avec Treize. S'ils étaient beaucoup plus puissants en étant ensemble, ils constituaient également une cible beaucoup plus intéressante, aussi se rassembler était un choix qui ne devait jamais être fait à la légère.

Et un instant plus tard, il la guida jusqu'à l'intérieur de la maison où un gros chien blanc se porta aussitôt à leur hauteur pour les renifler, et il s'éloignait à peine que Andy reprit aussitôt son frère dans ses bras. Dans une nouvelle étreinte plus longue que la première même si elle finit enfin par le lâcher quelques instants plus tard. Sa main passant doucement sur son visage où subsistaient encore quelques coupures et quelques traces de coups, soulignant son regard fatigué.

« Est-ce que ça va ? Tu as l'air si éteint … je suis venue dès que j'ai su ce qui t'était arrivé, mais je regrette de ne pas avoir détecté que la CIA t'avait repéré. »

Malgré cette veille active qu'elle effectuait grâce à son travail, la demoiselle n'avait effectivement pas vu cette attaque venir, et elle s'en voulait un peu. Après tout, elle avait toujours protégé Treize d'à peu près tout ce qui pourrait le blesser, et fuir à des milliers de kilomètres n'avait clairement pas brisé le lien qui existait entre eux.

Treize avait beau être cassé, physiquement comme mentalement, il n’avait pas été aussi heureux depuis longtemps. Il ne s’arrêtait plus de sourire, et regardait Quinze d’un air absolument ravi et admiratif. Elle avait bien changé, mais elle restait l’amie qu’il avait toujours connue, l’une des rares personnes en qui il pouvait réellement avoir confiance, et ça faisait vraiment du bien de pouvoir baisser sa garde le temps d’une rencontre. Des milliers de questions se bousculaient dans sa tête, il aurait voulu savoir comment s’était passé toutes ces années loin du laboratoire, si elle avait été heureuse, mais aussi pourquoi elle était là maintenant, si près de cet endroit qu’elle détestait et de tous les gens qui y travaillaient. Mais pour l’instant, il préférait se taire, profiter, et écouter aussi. Il eut un rire léger et clair quand elle fit remarquer qu’il avait grandi. Il se remémora cette époque où elle le dépassait avec une pointe de nostalgie, malgré tous les mauvais traitements qu’il avait pu subir à l’époque.

« Je ne suis toujours pas très grand. »

C’était que comparé à Alexander, il avait encore du chemin, mais ça ne le dérangeait pas d’être toujours relativement petit et fluet. Quand Quinze lui demanda s’il connaissait un endroit tranquille, le jeune homme hocha la tête en montrant vaguement de la main la maison qu’il venait de quitter.

« Alexander ne sera pas là tout de suite. »

Il se doutait qu’elle savait qui était Alexander, sinon, elle ne serait probablement pas arrivée jusque-là. Aussi la guida-t-il dans la petite cour à l’arrière de la clinique, pour lui faire monter l’escalier et retourner à l’intérieur. Snow vint faire un coucou curieux à la nouvelle venue, mais sembla accepter sa présence sans problèmes, tandis que sa sœur l’enlaçait encore, plus longuement et plus fort encore. Treize avait l’impression de rêver, ça paraissait trop beau pour être vrai.

« Est-ce que ça va ? Tu as l'air si éteint … je suis venue dès que j'ai su ce qui t'était arrivé, mais je regrette de ne pas avoir détecté que la CIA t'avait repéré. »
« Tu n’aurais pas pu. » Treize balaya sa réplique d’un signe de main en faisant non de la tête. « C’est seulement de ma faute ce qu’il s’est passé. »

Le cobaye pouvait aussi lire dans les objets, mais il ne maîtrisait pas du tout cette capacité, au laboratoire, on l’avait orienté vers des choses plus utiles, comme la télépathie, l’empathie et le cold reading, en plus de la traditionnelle télékinésie. Il en savait cependant assez pour deviner les limites de cette technique, de ce qu’il en savait, ça demandait du temps. Là il aurait fallu qu’elle croise Becca ou Solal dans la semaine qui avait suivi la découverte de ses pouvoirs, et qu’elle touche un objet qu’ils avaient sur eux en plus. Hawkins n’était pas immense, mais tout de même, les probabilités jouaient contre elle. C’était plutôt lui qui aurait dû sentir le piège venir, il en avait plus ou moins la capacité, mais il n’avait pas été assez méfiant.

« Ça… Ça va, maintenant que tu es là ça va. »

C’était comme s’ils ne s’étaient jamais quittés, la simple présence de Quinze lui redonnait du courage, comme avant. Il ne put cependant s’empêcher de froncer finalement les sourcils en l’observant, la mine un peu sombre.

« La CIA t’as fait mal aussi. »

Treize avait plus ou moins compris que cette CIA était en fait Solal, Rebecca, et probablement tous ces gens du laboratoire. Il avait aussi compris que sa sœur avait frôlée la mort tout comme lui à cause de ces fous furieux, et la colère sourde qu’il ressentait déjà ne fit que se démultiplier. La santé des autres expériences le préoccupait bien plus que la sienne, et celle de Quinze tout particulièrement.

« Je m’assois un peu, d’accord ? » Treize se dirigea vers le salon, éteignit la télé d’un regard, et se laissa tomber avec précautions dans le canapé. Il se sentait un peu fatigué, et soupira légèrement une fois calé. « Je ne comprends pas, pourquoi revenir ici ? »

Le jeune homme avait répété sa question parce que vraiment, c’était incompréhensible pour lui. Peut-être était-elle aussi en danger loin au-dehors, mais ici, si près du laboratoire, c’était forcément pire, non ? Surtout depuis les récents incidents, il était clair que la CIA était sur les dents, et que les espions traînaient partout.

La remarque de Treize concernant sa taille qui n'était toujours pas immense tira un nouveau sourire à Andy, et bientôt elle le suivit jusqu'à l'intérieur de la maison. Offrant une nouvelle étreinte à son frère avant de s'inquiéter plus ouvertement de son état qui n'était franchement pas brillant. Apprendre de sa bouche même que c'était de sa faute lui fit d'ailleurs froncer les sourcils, mais elle ne l'interrompit toutefois pas et le laissa parler. Poser ses questions. Puis s'asseoir sur le canapé où elle le rejoignit quelques instants plus tard.

« Je te trouve un peu pâle et un peu maigre … est-ce que tu manges correctement au moins ? »

Toujours protectrice voire même sur-protectrice lorsqu'il s'agissait de Treize, Andy voulait déjà s'assurer qu'il allait bien avant de continuer cette conversation, et elle attendit donc patiemment sa réponse. Le couvant du regard tandis que sa main était venu se saisir de la sienne. De cette habitude qu'ils avaient lorsqu'ils étaient enfants et qui était revenue sans même qu'elle n'y prêtât attention, tellement c'était naturel pour elle.

Mais si son frangin avait répondu à ses interrogations de bonne grâce, il en avait lui aussi posé, et Andy décida donc de lui expliquer les choses de la manière la plus logique possible : dans le sens chronologique.

« Tu sais quand j'ai quitté Hawkins, je ne voulais pas vous abandonner, mais une évasion générale n'aurait pas été possible non plus. Alors, j'ai dû me résoudre à partir sans toi … »

Une décision qui avait d'ailleurs été extrêmement difficile pour elle à l'époque, mais dans la mesure où Treize ne voulait pas partir malgré toutes ses tentatives pour le pousser à changer d'avis, elle avait bien dû s'y résoudre.

« Je ne sais pas si tu l'as su finalement, mais c'est le Docteur Clémens qui m'a aidée à m'enfuir, et on s'est ensuite installés tous les deux à Milwaukee, une grande ville assez loin d'ici. De base, moi j'aurais voulu aller vous récupérer, mais à deux on avait aucune chance, alors j'ai temporairement laissé tomber. Et quand Ray est mort quelques années plus tard, j'ai contacté un journaliste pour dénoncer la CIA. Si tout le monde avait su que des enfants étaient maltraités au laboratoire de Hawkins, il aurait sans doute fermé et les gamins auraient eu une chance de s'en sortir … mais ils m'ont retrouvée à ce moment-là. »

Et pour appuyer ses explications, Andy venait de relever la manche de sa veste afin de dévoiler la longue cicatrice qui marquait toujours son avant-bras droit. Sa peau ne présentant désormais plus aucune trace de son tatouage.

« Mais ça fait quelques années maintenant, et puis la cicatrice a fait disparaître le tatouage, donc ce n'est pas plus mal. En tout cas après ça, j'ai pris la décision de revenir à Hawkins, et ça fait environ cinq ans que je suis là. Et comme je ne voulais pas foncer bêtement, j'ai utilisé ma psychométrie pour connaître tous les gens de cette ville, tout ce qui s'y passe … et pouvoir me préparer. »

Rapide résumé englobant bien des années mais au moins, cela permettrait à Treize d'avoir une vue d'ensemble. À voir ensuite s'il allait demander des détails ou des explications.

« Ça fait quelques semaines déjà que je suis au courant pour votre évasion, mais j'ai préféré vous suivre de loin et ne pas vous approcher. Je ne voulais pas vous mettre en danger inutilement, mais savoir que tu avais été agressé m'a poussée à bouger. »

Agressé, blessé, angoissé …
La main de son frère toujours dans la sienne, Andy était sincèrement peinée de le voir dans un tel état, et il était certain que plus personne ne le toucherait à l'avenir !

« Et toi, qu'est-ce qui s'est passé ? »

De cette question suffisamment vague pour que Treize pût librement vider son sac. Parce que maintenant, elle était là pour lui. Pour le soutenir et pour l'aider. Comme elle l'avait toujours fait.

« Je te trouve un peu pâle et un peu maigre … est-ce que tu manges correctement au moins ? »

Treize n’était pas du genre à cacher ce qu’il ressent, aussi, pas besoin d’empathie sur-développée pour se rendre compte en le voyant détourner les yeux et réfléchir pour comprendre que non, il ne mangeait pas bien du tout. Hésitant un peu, il répondit, l’air de craindre une avalanche de reproches, parce que même si Quinze l’aimait et le protégeait, elle n’avait pas peur de l’engueuler non plus quand il faisait des bêtises.

« Alex me donne tout ce qu’il faut, il est gentil, mais je n’ai pas très faim depuis un moment. Je mange surtout des bananes et des biscuits. »

Cela faisait un mois que Treize était à la diète, sachant qu’il n’était déjà pas bien épais de base, forcément, ça se voyait. Pourtant avant ça, il avait été plutôt gourmand, testant un peu tout ce qu’il trouvait de nouveau, et se rendant presque malade par moment. La main de la jeune femme vint se loger dans la sienne, et il la serra un peu. Ce contact lui rappelait bien des souvenirs, et pour lui, c’était même bien plus que ça, avec ses pouvoirs, ça créait un vrai lien entre eux, quelque chose d’assez unique.

Silencieux, il écouta son récit, il avait su pour le docteur Clémens en observant Quinze depuis le void. Il savait aussi qu’elle aurait voulu qu’il la suive, mais pas sûr que ça aurait été ne serait-ce que possible. Une évasion, c’était déjà rare, alors deux en même temps, ce n’était pas vraiment la peine d’y penser. Et puis l’extérieur lui faisait peur, à l’époque, Treize avait un peu l’habitude de tout savoir sur tout au Centre, alors foncer dans l’inconnu comme elle aurait était très difficile. Le jeune homme avait finalement réussi à sauter le pas, mais seulement treize années plus tard. Il regarda ensuite la marque sur son bras, et réalisa les risques qu’elle avait pris pour tenter de les sauver. Elle aurait réellement pu perdre la vie à ce moment-là, et ça ne l’avait pourtant pas empêché de revenir à Hawkins pour mener l’enquête. Connaissant ses capacités, Treize ne doutait que la jeune femme en savait maintenant beaucoup sur les habitants de la ville. C’était un atout considérable. Ensuite, Quinze lui posa une question toute simple, mais très compliquée à la fois. Par où commencer ?

« Je t’ai suivi, depuis de void, pendant très longtemps. À la maison, ils m’ont laissé seul, mais j’étais toujours un peu avec toi. Alors ils ont vu que je pouvais rester très longtemps comme ça, et ils m’ont fait travailler, écouter des gens ou les chercher. C’était dur à force, mais je tenais. Et puis un jour, avec d’autres, on a voulu sortir, et il s’est passé quelque chose, une porte s’est ouverte. Je suis sorti, mais pas ici, dans un endroit différent, et il y avait une bête, j’ai pu m’échapper, et Alexander m’a trouvé. »

Un bref résumé, sans doute pas très clair, mais Treize faisait vraiment ce qu’il pouvait pour expliquer à sa sœur ce qu’il avait traversé.

« Pas longtemps après, je suis retourné à la maison pour aider un garçon qui s’appelle Will Byers. Il était dans l’autre endroit lui aussi, derrière la porte qu’on a ouverte. Je pensais pas que je pourrais m’échapper une autre fois, mais j’ai pu. Après j’ai rencontré d’autres gens, j’ai essayé d’aider Two, mais j’ai pas vraiment réussis. Puis j’ai utilisé mes pouvoirs devant une fille, et elle m’a piégé avec Solal. Tu n’as pas connu Solal. »

Le cobaye frémit rien que de penser à l’agent de la CIA, et sa main serra celle de Quinze un peu plus fort.

« À la maison, déjà, il me tapait, mais pas juste pour faire mal comme les autres, comme s’il voulait me tuer. Il me fait peur, j’ai pas pu l’arrêter, il m’a attrapé, Five m’a aidé à m’échapper, mais il nous a tiré dessus. Après, après je suis resté caché surtout, j’ai trouvé Five, Two et Eleven dans le void. Two a été attrapé aussi, il était là-bas, mais je pouvais rien faire pour l’aider parce que j’étais trop blessé. Sinon j’ai juste vu Noé, il est de la maison, mais il est gentil. »

Ça faisait un bon paquet d’information pas toujours très bien formulées, mais Quinze devait avoir compris l’essentiel, sans doute. Il l’espérait en tout cas.

« Tu veux toujours sauver nos frères et sœurs ? J’ai essayé d’aider ceux qui se sont échappé, mais c’est difficile. »

Ce qu’il lui aurait fallut, c’était les visages de ceux qui s’étaient enfuis, et aussi une liste de lieux où ils pourraient se réfugier. Treize avait réellement essayé d’aider, allant jusqu’à rendre visite à des personnes de la CIA, mais ça n’avait pas été suffisant. Cela dit, maintenant qu’il était avec Quinze, les choses allaient peut-être changer. Ils avaient toujours été très complémentaires après tout.

[Non tu ne seras pas à jour aujourd'hui ! ]

« Des bananes et des biscuits ? Treize, sérieusement, comment tu veux guérir si tu manges n'importe quoi ? »

Comme c'était à prévoir, Andy ne s'était effectivement pas gênée pour reprendre son frère sur son comportement, mais leur situation à tous était déjà assez critique pour qu'ils n'en rajoutassent pas eux-mêmes ! Après tout, Treize n'avait jamais été un athlète – tenant plutôt du gamin puis du jeune homme fluet – ce qui le désignait d'office comme victime facile. Surtout qu'utiliser leurs pouvoirs les fatiguait énormément, alors en cas de ''batterie faible'', mieux valait être capable de courir vite et longtemps !

Mais pour autant, Quinze ne l'engueula pas davantage et le laissa plutôt parler. De ces explications confuses qu'un étranger aurait sans doute eu des difficultés à comprendre, mais pas Andy. Parce qu'elle connaissait très bien son frère, parce qu'ils étaient liés, et parce que sa psychométrie lui avait déjà appris beaucoup de choses également. Le récit de Treize se transformant alors en nouvelles pièces de puzzle qu'elle n'avait plus qu'à placer aux bons endroits. Et même si le Demogorgon et l'Upside Down devaient être les secrets les mieux gardés de Hawkins, Andréa était tout de même au courant de tout ça. Via Joyce Byers et ses fils. Via le shérif Jim Hopper aussi. Et même si elle n'avait pas croisé elle-même cette créature, elle savait combien elle pouvait être dangereuse.

Mais si le danger pouvait venir de cette bête, il pouvait également venir de n'importe qui dans cette ville, et Andy sentit ses sourcils se froncer devant les explications qui suivirent. Listant ainsi plusieurs noms, qu'elles connaissait pour certains, qu'elle ignorait pour d'autres. Solal Astings ne lui était ainsi pas étranger, et la ''fille'' en question devait sûrement être Rebecca Faron. Le premier traînant avec lui des actes sordides là où la seconde était beaucoup plus floue dans ses actions.

Quant aux expériences du labo … Two, Five et Eleven. Autant de gamins qu'elle ne connaissait pas même si elle possédait toutefois quelques informations. Notamment sur Eleven qui habitait actuellement une cabane perdue en forêt, cachée par Hopper qui venait régulièrement au magasin pour effectuer son ravitaillement en gaufres. Mais concernant Two et Five, elle avait bien capté quelques traces de leurs existences en ville, mais franchement pas grand chose.

Et puis, il y eut finalement Noé Roberts qui fut mentionné …
De cette rencontre qui avait fait bondir Quinze au point qu'elle avait finalement provoqué cette rencontre avec son frère – avec l'agent de la CIA également – pour s'assurer qu'il fût en sécurité. Mais une sécurité qui n'était franchement pas acquise vu le comportement de ce jeune homme qu'elle tenait toujours par la main.

« Treize … est-ce que tu te rends compte de combien tu as été imprudent ? T'aurais pu te faire capturer ou tuer un paquet de fois, t'es vraiment un inconscient ! »

Un jugement qui allait sans doute être difficile à encaisser pour son frère déjà affaibli, mais Quinze ne pouvait malheureusement pas faire autrement. Si elle se contentait de le materner gentiment sans rien dire, alors il réitérerait les mêmes conneries, et il n'aurait pas toujours autant de chance non plus !

« Tu dois vraiment être plus prudent, et tu le sais : n'utilise jamais tes pouvoirs devant des gens, ne leur dit jamais d'où tu viens, ne montre même pas que tu es différent. Hawkins est une toute petite ville où tout le monde se connaît, alors les nouvelles circulent très vite dès que quelqu'un apparaît, surtout s'il est étrange, tu comprends ? »

Pour eux qui avaient toujours vécu dans un milieu aseptisé et clos, il était évident qu'arriver en ville était une épreuve compliquée. D'autant plus que les scientifiques de la CIA ne s'étaient pas inquiétés de leur éducation et de leur sociabilité …

« Oui je suis venue ici pour essayer de sortir tous nos frères et sœurs du labo, mais si tu veux m'aider, alors tu vas déjà devoir guérir, et c'est pas négociable. D'ailleurs tant que tu n'es pas totalement remis, tu ne sors plus d'ici, ok ? Et surtout – surtout – tu ne vas plus jamais voir Noé Roberts … plus jamais … c'est bien compris ? Cet homme travaille pour eux, Treize, c'est un méchant. S'il est gentil avec vous, c'est juste pour vous piéger. Les mecs comme Solal te frappent, puis ceux comme Roberts arrivent pour te consoler, comme ça tu les aimes bien et tu fais bien gentiment les tests qu'ils te demandent, histoire de leur faire plaisir. Mais tout ça c'est du mensonge. »

Peut-être, peut-être pas …
Andy devait bien avouer que son avis sur Roberts n'était pas clairement fixé, mais elle préférait encore se méfier. C'était ça qui l'avait maintenue en vie toutes ces années, et c'était également ça qui protégerait ses frères et sœurs.

« Pour le reste, j'habite en ville mais j'ai aussi trouvé un endroit isolé où on pourrait se cacher en cas de soucis. Et je peux aussi vous apprendre à vous servir de vos pouvoirs différemment, histoire d'être plus utile contre la CIA. »

Ray lui avait appris, alors elle leur apprendrait aussi.
Tout ce qui pouvait les aider devait de toutes façons être partagé entre eux, c'était à ce prix-là qu'ils pourraient s'en sortir : en s'épaulant ! Et même si elle ne connaissait pas les autres enfants, Andy avait entièrement confiance en Treize, et ils savaient aussi comment utiliser leurs pouvoirs ensemble et de la meilleure manière possible.

Évidemment, Quinze ne tarda pas à le corriger, que ce soit sur sa manière de manger ou sur son comportement au cours des derniers mois. La tête légèrement rentrée dans les épaules et une expression contrite sur le visage, il l’écouta lui rappeler les règles élémentaires de prudence qu’il devait suivre. Il avait fini par les deviner lui-même, mais seulement après coup, sa rencontre avec Rebecca avait au moins eu ça de bon. Il avait largement eu le temps de réfléchir à la bêtise de ses actions depuis. Il ressentit quand même le besoin de s’expliquer un peu.

« Je sais, Quinze, mais tout était tellement nouveau, tellement étrange. Il y a beaucoup de choses que je devais comprendre, c’était trop d’un coup. Je ne savais pas, je ne voyais pas le danger. Je suis désolé. »

Il avait été bête, mais avec le peu d’informations qu’il avait à l’époque, est-ce que les choses auraient réellement pu se passer autrement ? Il n’en était pas sûr, et ça ne servait à rien de continuer à se morfondre, ce qui était fais, était fais. Il allait devoir faire avec ses erreurs maintenant. Quand sa sœur reprit la parole, ce fut à lui de froncer un peu les sourcils, elle parla d’abord de ses blessures, mais aussi du scientifique qu’il était allé voir. Confusément, parce qu’ils étaient très proches, il devina qu’elle l’avait vu aussi, même s’il n’en comprenait pas la raison.

« Je ne guéris pas avant des mois, c’est mon épaule, Alex dit qu’il me faut une ré, une ré… une éducation. Ça sera long, mais je me défends aussi avec un bras. » Il prit une légère inspiration, avant de se préparer à affronter la jeune femme. « Noé est différent, s’il était comme tu dis, la CIA m’aurait attrapé. Je l’ai observé, je sais que je peux me tromper, mais Quinze, on sauvera personne si des gens comme lui ne nous aide pas. »

Treize en était persuadé, psychométrie ou pas, ils n’auront jamais de meilleures informations que de la bouche de ceux qui travaillent au laboratoire. Ça lui paraissait évident, le Centre était une vraie forteresse, très bien gardé, il avait eu largement le temps de le constater. S’ils voulaient vraiment créer une brèche assez grande pour sauver ceux qui s’y trouvent encore, ils allaient devoir attaquer de l’intérieur autant que de l’extérieur. Il ne savait pas si Noé serait de ceux qui pourraient créer cette brèche, mais il lui accordait au moins sa confiance. Le scientifique ne l’avait pas trahi, il l’avait même incroyablement bien traité pour quelqu’un du laboratoire. Treize le considérait comme un ami, même s’il était d’accord sur le fait qu’il fallait rester très prudent avec les gens de la CIA.

« Se servir différemment de nos pouvoirs ? »

Là pour le coup, sa curiosité fut piquée au vif. Treize s’intéressait beaucoup à ses propres capacités, il avait d’ailleurs découvert quelques nouvelles choses depuis qu’il était sorti du Centre, et devait se confronter à de nouvelles situations. Ainsi, il avait pu percer à jour l’un des souvenirs de Solal, et sa compréhension des gens s’était nettement améliorée. L’idée de pouvoir aller plus loin encore l’intéressait tout particulièrement. Il ne voyait cependant pas du tout de quoi la jeune fille pouvait bien parler. Elle voulait lui apprendre la psychométrie, à lui et aux autres sujets ? Ou alors c’était complètement différent ? Si ça n’avait tenu qu’à lui, ils auraient pu commencer l’entraînement là, tout de suite, mais sans doute était-il encore un peu trop faible pour ça.

« Mes pouvoirs ont beaucoup grandi, à la maison ils disent que je ne suis pas le plus puissant, mais l’un des plus endurants. Si tu as des choses à m’apprendre, n’hésite pas, je tiendrais. Je peux essayer de t’apprendre aussi. »

Plus ils en sauront, et plus ils maîtriseront leurs pouvoirs, mieux ça sera pour eux, c’était une évidence. Et même s’ils ne s’étaient pas vu depuis des années, Treize ressentait toujours la même complémentarité avec sa sœur. On ne les avait pas laissés ensembles si longtemps pour rien, leurs pouvoirs se renforçaient mutuellement, et pas que leurs pouvoirs d’ailleurs. Le jeune homme le sentait bien, il était plus solide en sa compagnie.

« Two, Five et Eleven, ce sont encore des enfants, mais ils sont forts. Je sais que c’est dangereux de les voir, mais il faut trouver un moyen. On doit s’aider, sinon on y arrivera pas. Tu veux boire quelque chose ? Moi j’ai soif. »

C’est un peu à contre-cœur qu’il lâcha la main de Quinze et qu’il se dirigea vers la cuisine en lui faisant signe de le suivre. Comme d’habitude, il se servit de ses pouvoirs pour compenser la perte temporaire de son bras. Prenant un verre dans sa main valide, il ouvrit le frigo et se servit un jus de fruit par la force de son esprit, avant de tout ranger et de boire une bonne gorgée. Le sucre lui fit du bien, et lui redonna un peu d’énergie. Si la jeune femme voulait elle aussi quelque chose il le lui préparerait sans doute de la même manière.

Treize avait l'air soudainement si piteux – s'excusant tout en rentrant sa tête entre ses épaules – que Andy avait aussitôt serré plus fortement sa main. Comme pour le soutenir implicitement, et lui faire comprendre qu'elle l'aimait plus que tout. Et que c'était justement à ce titre qu'elle s'inquiétait pour lui et qu'elle souhaitait le protéger coûte que coûte … ce qui n'allait certainement pas être une mine affaire !

« Ne t'excuse pas Treize. Tu sais, je ne te dis pas ça pour t'embêter, mais simplement parce que je t'aime énormément et que je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit. Alors tu vas me faire le plaisir de manger correctement et de prendre soin de toi, c'est compris ? Et pour ton épaule, je me doute que tu dois compenser avec la télékinésie, mais tu dois aussi savoir te débrouiller sans tes pouvoirs. Sinon, tu seras juste une proie facile pour eux … »

Savoir courir et se battre avec ses poings étaient deux atouts de taille, et s'il fallait les enseigner à Treize pour lui assurer de meilleures chances de s'en sortir, alors Quinze le ferait sans hésiter. De même qu'elle ferait absolument tout pour lui, même si ça risquait de ne pas toujours lui plaire d'ailleurs.

« Et pour Noé Roberts, je suis désolée mais c'est indiscutable : je ne veux plus que tu l'approches. Il est peut-être sincère, mais sa gentillesse peut aussi être là pour te manipuler : comme ça il te soigne, tu as confiance en lui, et petit à petit tu lui diras où sont les autres et la CIA pourra tous les attaquer en même temps. Après, je suis d'accord sur le fait qu'avoir une aide à l'intérieur pourrait être un véritable atout, mais je m'en chargerai. Toi tu restes en retrait … mais Treize, ça ne veut pas dire que je vais t'enfermer dans un placard, hein … simplement que tu vas m'aider autrement. Grâce à tes pouvoirs dans le Void par exemple. »

Indubitablement, son frère connaissait beaucoup de monde et était extrêmement puissant, mais il n'était pas capable pour autant d'aller sur le terrain. Sa place était clairement en retrait – loin d'un danger qui pourrait se révéler fatal pour lui – et le ton de Andy était devenu plus ferme cette fois-ci. Son regard profondément ancré dans celui de Treize tandis qu'elle serrait toujours sa main. Comme lorsqu'ils étaient gosses et qu'elle tenait à tout prix à lui faire promettre quelque chose … pour le protéger la plupart du temps … à croire que toutes ces années n'avaient finalement rien changé à leur relation.

Mais quoi qu'il en fût, son frangin semblait être intéressé par la perspective de développer ses pouvoirs autrement, et Andy hocha aussitôt la tête tandis qu'un sourire revint sur son visage.

« Si on est face à ces hommes, on va devoir trouver un moyen de les neutraliser efficacement mais sans les tuer, et j'ai trouvé quelque chose de moins fatiguant que la télékinésie. Ray m'a appris que certains endroits du corps humain sont très sensibles, et il suffit de les solliciter légèrement pour que la personne en face s'évanouisse ou alors souffre terriblement. Comme ça, on pourra se débarrasser d'eux facilement, alors je t'apprendrais si tu veux. »

Provoquer un malaise vagale ou pincer fortement un nerf se révélait ainsi moins demandeur en énergie que de plaquer un homme contre un mur, et ça ne pourrait donc que les aider ! Mais si Andy pouvait leur apprendre des choses, il était évident que la réciproque serait vraie aussi.

« Et de ton côté, il va falloir que tu m'aides pour la télépathie et le Void, parce que je suis toujours aussi mauvaise mais que ça pourrait me servir. »

Que ce fût dans leur enfance ou même aujourd'hui, Quinze aurait pu se vexer d'être ainsi moins douée que son frère, mais elle s'en foutait. À ses yeux, tout ce qui comptait c'était de libérer tout de monde et de détruire cette menace, et chacun œuvrait à sa façon et avec ses moyens. Sans oublier ces trois enfants qui pourraient aussi les aider …

« Je sais où se trouve Eleven et tu m'as dit que Two avait été pris, mais où est Five ? Elle est en sécurité ? Tu penses qu'il faudrait qu'on se rencontre tous ? »

Timide et réservé, Treize était plusieurs fois passé pour un idiot, mais Andy savait qu'il n'en était rien. Même s'il accordait trop facilement sa confiance, son frère était très loin d'être bête pour autant, aussi tenait-elle à avoir son avis sur la question tandis qu'elle le suivit jusqu'à la cuisine. Le laissant réfléchir tout en se servant un verre de jus de fruits.

« Treize, avec tes mains, ce sera mieux. Tu dois vraiment apprendre à ne pas te servir instinctivement de tes pouvoirs, sinon ça pourrait te trahir. Et puis bouger un peu ne te fera pas de mal non plus, tu as un physique de crevette ! »

De cette attaque qui n'avait rien de méchant, surtout que Andréa vint aussitôt le chatouiller au niveau des côtes comme elle aimait bien le faire quand ils étaient gosses. De ces moments de chamailleries et de rire qu'ils avaient toujours su s'accorder malgré leur situation si particulière.

« Je sais oui, je vais faire attention. »

Manger plus et mieux était clairement nécessaire, moins utiliser sa télékinésie par contre, c’était plus compliqué. Déjà avec deux bras, Treize avait tendance à s’en servir, alors avec un seul, la tentation était grande. En tout cas quand il n’y avait personne autour. Puis le sujet de Noé Roberts et du rôle qu’il pourrait avoir dans leur lutte lui fit de nouveau froncer les sourcils.

« Rester en retrait ? Je ne suis plus un enfant, Quinze. Je sais que j’ai fais des erreurs, et j’ai payé pour ça. J’ai confiance en Noé, je ne sais pas ce que tu sais de lui, mais c’est quelqu’un de bien. Il n’a pas demandé où étaient les autres, je ne lui dirais jamais non plus. Je ne risque pas la vie des autres quand je vais voir des gens de la maison. »

Il avait l’impression que Quinze le sous-estimait un peu, d’accord, il avait fait de grosses bourdes. Comme elle l’avait elle-même dit, il aurait pu se faire attraper un bon paquet de fois. Malgré tout, il ne se voyait pas rester tranquillement à la maison pendant que d’autres risquent leur peau. Ça ne voulait pas dire qu’il allait se jeter dans la bataille là, tout de suite, il savait bien qu’il avait besoin de se remettre avant ça, mais rester derrière et parcourir le void, vraiment ? Il allait le faire, bien sûr, il savait que les informations qu’il pouvait grappiller de cette manière pouvait aisément changer la donne, mais il ne resterait pas dans ce rôle-là tout le temps. C’était impensable. Aussi impensable que l’idée qu’il pourrait donner des informations importantes sur eux à quelqu’un de la CIA.

La suite fut particulièrement intéressante pour Treize, utiliser ses pouvoirs pour neutraliser un homme sans le tuer ? Il voulait clairement en savoir plus. La biokinésie, c’était un pouvoir très intéressant, mais il fallait vraiment savoir ce que l’on faisait, sinon la chose pouvait vite devenir très problématique pour la personne visée. Il n’avait pas beaucoup utilisé ce pouvoir, préférant largement repousser les gens contre les murs plutôt que de les attaquer de l’intérieur. Mais s’il apprenait à le faire sans risques, il était clair qu’il en userait davantage. Treize avait donc hâte de s’y mettre. Il hocha la tête quand Quinze parla d’apprendre la télépathie et le void, bien sûr qu’il l’aiderait à s’améliorer. Au laboratoire, les scientifiques avaient vite orienté la jeune fille sur des exercices qui étaient plus à sa portée, mais il savait qu’avec un peu d’entraînement, elle y arriverait aussi bien que n’importe qui. Il n’y avait pas de raison.

« Je sais où se trouve Eleven et tu m'as dit que Two avait été pris, mais où est Five ? Elle est en sécurité ? Tu penses qu'il faudrait qu'on se rencontre tous ? »

Treize hocha à nouveau la tête.

« Five se cache, mais je sais où elle est. Il faut qu’on se rassemble, on est plus fort comme ça. Si on ne fait rien, on va être pris un par un. Tous nos frères et sœurs ne peuvent pas entrer dans le void ou y rester longtemps, c’est le problème. Si j’avais les visages de ceux qui se sont échappés, ce serait plus simple, mais pour ça il faut approcher la CIA. »

Raison de plus pour avoir Noé de son côté, non ? Se balader dans le void sans but précis pouvait aussi fonctionner, mais c’était beaucoup plus hasardeux puisqu’il fallait qu’un autre sujet arrive au même moment. Il avait beau pouvoir rester longtemps dans cet état de méditation profonde, Treize n’avait rencontré d’autres sujets qu’une seule fois depuis qu’il était sortit. Ça lui arrivait beaucoup plus souvent au Centre, mais c’était normal puisqu’à l’époque ils étaient tous réunis dans un même lieu. Maintenant, les choses étaient plus compliquées, ils s’étaient éloignés et ses comparses avaient sans doutes bien mieux à faire que de traîner sans but dans cet endroit noir de toute façon.

Dans la cuisine, Quinze ne manqua pas de le reprendre sur l’utilisation de son pouvoir. Ils en avaient parlé il y a à peine quelques minutes et déjà il recommençait à s’en servir. D’un autre côté, vous avez déjà essayé d’ouvrir une bouteille de jus avec une seule main ? Lui non, et ça n’avait pas l’air d’être la chose la plus simple au monde. À moins d’utiliser ses dents peut-être, c’était à tenter, un jour où il aura moins soif. En attendant, Treize bu tranquillement son jus, puis se mit à rire alors qu’il se faisait traiter de crevette, et qu’on venait le chatouillait en plus. Il posa son verre, et riposta avec un peu de mal, il n’avait qu’un bras et était plutôt sensible il faut avouer. Après quelques moments de chamailleries, ils s’arrêtèrent, et le jeune homme reprit son souffle.

« Tu m’as tellement manqué Quinze. Je ne veux plus te perdre. »

Il lui sourit. Et lui fit un petit câlin de plus, c’était vraiment trop bon de l’avoir de nouveau près de lui.