Manifestement, Treize ne comptait pas plus restait en retrait qu'éviter Noé Roberts, et Quinze laissa aussitôt s'échapper un soupir tout en lui adressant un regard de reproche. Si elle avait un fort caractère et qu'elle n'entendait pas voir son frère se mettre en danger, ce dernier était bien aussi casse-burette qu'elle, et ça n'arrangeait pas vraiment son affaire. Quoi que, elle avait bien une idée pour lui faire comprendre plus facilement certaines réalités, mais elle répugnait un peu à le faire …

« Tu n'es pas un enfant, tu es simplement blessé, et tu sais aussi bien que moi que tes pouvoirs ne sont pas illimités. Alors si demain tu tombais sur tout un tas de mecs de la CIA, qu'est-ce que tu ferais ? Tu utiliserais tes pouvoirs, mais quand tu serais trop fatigué pour ça ? Dans ton état, tu ne pourrais même pas courir, et un simple coup dans l'épaule serait suffisant pour te mettre par terre. Alors si je te dis de rester en retrait, tu restes en retrait. »

Clair, net et précis !
Et tandis qu'elle débitait ses explications, Andy avait aussi approché son poing de l'épaule blessée de son frère, comme si elle voulait le frapper pour lui prouver ses dires. De cette solution qu'elle ne mit toutefois pas à exécution parce que tout de même, elle n'avait franchement pas envie de lui faire mal. Même s'il l'excédait quelque fois à insister comme il était en train de le faire.

« Et pour Noé Roberts, ce sera quelqu'un de bien jusqu'à ce qu'il te piège, alors mieux vaut ne pas prendre le risque. À croire que tu ne te souviens pas de ce connard de Cesley ! »

Howard Cesley, un nom que la jeune femme n'oublierait jamais, et elle était à peu près sûre que Treize s'en souvenait aussi. Lorsqu'ils n'avaient qu'une petite dizaine d'année, ce mec était arrivé avec la tronche type du mec sympa voulant prendre soin des sujets d'expérience, et son frère s'était justement laissé abuser là où elle était restée très méfiante. Refusant de lui parler ou de lui faire plaisir en s'épuisant dans ses tests tordus et quelque fois douloureux. Mais si Cesley avait le sourire facile et la tape sur l'épaule amicale, il s'était rapidement révélé être un sacré fils de pute lorsqu'il avait découvert que ses théories – un truc obscur sur l'utilisation de la télépathie dans l'espace – ne tenaient pas la route, et il avait littéralement pété les plombs en présence des gamins. Frappant Treize comme un sourd avant que Quinze n'intervint pour lui éclater la tronche contre un mur ! Un acte qui lui avait valu une sacrée rouste en plus d'une semaine d'isolement total, mais la gosse n'avait jamais reculé devant rien pour protéger son frère adoré. Et elle ne reculerait pas davantage aujourd'hui.

Mais malheureusement, Treize avait franchement la tête dure puisqu'il ne tarda pas à insister avec son idée d'approcher la CIA, mais manque de pot pour lui, Andy était logée à la même enseigne côté tête de bois !

« Tu veux approcher la CIA ? La CIA qui – elle – connaît parfaitement vos visages ? Et à ce petit jeu-là, avec ton épaule blessée en plus, tu comptes tenir combien de jour ? Deux ? Trois ? Quant à être rassemblés, on est effectivement plus fort ensemble, mais on devient également une cible plus tentante. »

S'isoler n'était peut-être pas la solution parfaite, mais squatter tous ensemble n'était pas plus intelligent. Parce que si jamais la CIA l'apprenait, elle n'aurait plus qu'à envoyer un bon paquet d'hommes pour rafler tous ses évadés en même temps, ce qui lui simplifierait considérablement la tâche !

Mais même s'ils n'étaient pas entièrement d'accord sur la stratégie à adopter, ça n'empêcha pas Andy de venir chatouiller son frère lorsqu'ils furent dans la cuisine, et la séance de chamailleries ne tarda pas à se terminer en nouveau câlin. La jeune femme faisant toujours autant attention à son bras lorsqu'il lui vint une idée.

« Ton bras, tu sais ce qu'il a exactement ? Ray m'a beaucoup appris sur la biokinésie et la médecine, alors je pourrais peut-être t'aider à te soigner. Est-ce que Woods ou Roberts t'ont expliqué ce que tu as exactement ? »

Traditionnellement, leurs pouvoirs servaient à blesser ou à détruire, mais logiquement ils pouvaient également servir à soigner. Une tentative qui pourrait toutefois s'avérer douloureuse pour Treize, mais si ce dernier voulait essayer et que Andy elle-même en savait plus sur son état, alors ça pouvait peut-être valoir le coup. Et ça la rassurerait également sur sa santé.

Ça y est, Treize faisait cette tête, la tête un peu boudeuse qu’il faisait toujours quand il ne voulait plus continuer une discussion, mais qu’il n’était pas convaincu pour autant. Bien sûr, pour le moment, il n’allait pas se jeter dans la bataille, il était trop blessé pour ça. Il allait bien finir par guérir cela dit, et quand il irait à peu près bien, il n’avait aucune intention de rester planqué. Quinze pouvait se montrer aussi autoritaire qu’elle le voulait, ça n’y changerait rien.

« Je me souviens de Cesley. »

Il avait répondu d’une voix un peu plate, voyant très bien où la jeune fille voulait en venir. Il n’empêche, Noé n’était pas Howard, et Treize n’était pas non plus le petit garçon d’il y a vingt ans. Beaucoup de choses avaient changées, et ce souvenir, aussi douloureux soit-il, ne suffisait pas à le convaincre. Il avait largement eu le temps de parler avec le scientifique, et Treize était persuadé que cette rencontre aurait eu une tournure bien différente s’il lui voulait vraiment du mal. Et même s’il ne lui fournissait pas la liste des sujets évadés, il pensait aussi que ce dernier pouvait l’aider à aller plus loin dans la maîtrise de ses pouvoirs. Après tout il étudiait son cas et celui de bien d’autres depuis des années. S’il y avait bien quelqu’un qui s’y connaissait en matière de capacités mentales c’était lui, toute aide était bonne à prendre.

« Je n’ai pas dit que je voulais agir tout de suite, je sais que je dois attendre. Mais il faut qu’on se rassemble si on veut faire quelque chose, les autres seront toujours plus nombreux et ils n’arrêteront pas. On doit travailler dur et devenir plus fort, pour ça on doit s’aider. »

Treize y avait beaucoup réfléchit, et pour lui il semblait évident qu’ils devaient trouver un moyen de se rassembler ponctuellement dans des lieux isolés et de préférence différents à chaque fois. Ainsi, ils pourraient partager ensembles des informations, s’entraider, et s’entraîner aussi. Cela dit, il faudra pas mal de ruse et de stratégie pour réussir à faire ça sans attirer l’attention. Pour l’instant la seule chose à laquelle il avait vraiment pensé, c’était à l’idée d’utiliser les radios pour communiquer. En demandant par exemple à tous ceux qui le voulaient de se brancher sur une certaine fréquence, à une certaine heure, en attendant possiblement de recevoir un message codé qui leur indiquerait où aller. Cela dit, même avec ça ils allaient devoir être très prudent, la CIA surveillait tout, et les communications n’étaient pas sûres. Il y avait bien le void, mais tout le monde n’y avait pas librement accès. C’était le problème. Finalement après s’être un peu chamaillé en riant dans la cuisine, Quinze voulus en savoir plus sur sa blessure.

« J’ai le haut de cet os-là de cassé. » Il fit courir l’un de ses doigts sur son bras pour montrer l’humérus. « Mais j’ai presque plus mal, je vais bientôt enlever l’écharpe. Le plus dur, c’est de refaire bouger mon bras, ça bloque. »

Tout en parlant, Treize décolla un peu son bras de son torse, et en effet, c’était compliqué. Son articulation était devenue complètement raide, et son bras lui semblait lourd à soulever, il allait falloir un moment pour tout dégripper. Est-ce que les pouvoirs de sa sœur pouvaient aider à décoincer tout ça ? Peut-être. Est-ce que ça allait être agréable ? Probablement pas.

« Alex ne peut pas m’aider, il paraît qu’il faut un… kiné ? Je sais pas ce que c’est. »

Il observa sa sœur en se demandant si elle y connaissait quelque chose. Après tout, elle avait dû apprendre beaucoup de chose sur le monde à force d’y vivre. Peut-être même qu’elle était allée à l’école comme tous les jeunes d’Hawkins. S’il y avait une chance pour lui de guérir plus vite et mieux en tout cas, il était prêt à la saisir. Avec précaution, il enleva son écharpe, et laissa son bras tomber le long de son corps, bougeant un peu les doigts pour tester les mouvements qu’il pouvait faire. Ce n’était pas terrible, mais pas douloureux non plus, c’était déjà ça.

Décidément, quand son frère avait une idée dans la tête, il ne l'avait pas dans le cul !

Et rien qu'à voir sa tête, Andy sut qu'elle allait vraiment devoir redoubler d'effort pour lui faire entendre raison, et ce même si elle aurait assez apprécié de ne pas avoir à batailler avec lui. Après tout, prendre contact avec tous les sujets d'expérience allait déjà se révéler délicat – surtout qu'elle ne connaissait pas du tout les plus jeunes qui pourraient donc se méfier d'elle – aussi aurait-elle aimé que Treize fût entièrement à ses côtés. Tel un soutient indéfectible et sûr. Et non pas comme un gamin qu'elle allait devoir surveiller pour s'assurer que le premier connard de la CIA venu pourrait le rafler ! Ou comment avouer qu'elle l'aimait plus que tout, et que son inquiétude pour lui était sans limite tant elle ne voulait pas qu'il pût lui arriver malheur …

Et si son frangin affichait désormais une tête boudeuse qui n'avait pas changé avec les années, elle-même arborait un air blasé. Temporairement balayé par leurs chamailleries d'enfant avant que – au détour d'un nouveau câlin – elle ne vint poser sa tête sur son épaule indemne. Un long soupir s'exhalant bientôt de ses lèvres.

« Treize … est-ce que tu sais combien je m'inquiète pour toi ? Je suis partie depuis des années, mais je ne t'ai jamais oublié, et je me suis promis que je viendrais te chercher un jour et là … là tu me fais peur. »

De cet aveux soufflé d'une voix grave mais pourtant, Andy s'inquiétait réellement. Si Treize n'avait pas perdu sa candeur, il semblait également être devenu un homme désirant protéger les siens, et c'était là une évolution que la jeune femme n'avait pas senti venir. Qu'elle digérait difficilement parce qu'au fond, elle ne souhaitait qu'une seule chose : l'aider. Le sauver. Et surtout pas le savoir face à des agents de la CIA qui n'hésiteraient pas à lui tirer dessus !

Mais lorsqu'il lui apprit que son os allait bien et que l'articulation était simplement ''rouillée'' par cette immobilisation forcée, Andréa se sentit déjà un peu plus rassurée. Se servant bientôt de sa biokinésie pour visualiser plus précisément les os effectivement ressoudés et s'assurer qu'il n'y avait pas de complication, en tout cas d'assez visible pour qu'elle pût s'en rendre compte.

« Hmm … un kiné, c'est un médecin qui va t'aider à bouger le bras pour qu'il se dérouille. Comme ça, tu vas retrouver ta mobilité et ta force. »

De longues séances chez le kiné allaient effectivement lui être profitables mais malheureusement, Treize ne pouvait pas prendre ce risque. D'autant plus maintenant que la CIA savait qu'il était blessé et qu'il aurait donc besoin de soins, parce que tous les médecins du coin allaient sans doute être surveillés.

« Mais le soucis c'est que la CIA va surveiller tous les médecins du coin, donc ça va être vraiment compliqué. Par contre si tu veux, je peux essayer de t'aider … mais ça risque de ne pas forcément être sans douleur même si je vais tout faire pour limiter ça. À toi de prendre la décision. »

Si Ray lui avait transmis certaines bases médicales et que sa biokinésie était également une aide précieuse, Andy n'était toutefois pas médecin, et il était donc à craindre qu'elle pût faire souffrir Treize sans le vouloir. Mais après, c'était effectivement à son frère de décider s'il voulait tenter le coup ou pas.

Treize baissa un peu la tête quand sa sœur lui dit qu’elle s’inquiétait pour lui et qu’il lui faisait peur. Ce n’était pas du tout ce qu’il voulait, mais en même temps, voir Quinze débarquer comme ça après tant d’années pour lui dicter sa conduite n’était pas facile à accepter. Qu’elle le veuille ou non, le jeune homme avait appris à vivre sans elle. S’ils étaient plus jeunes, s’ils n’avaient jamais été séparés, les choses auraient été sans aucun doute différentes. Au laboratoire, la jeune fille était tout ce qu’il avait, celle qui le protégeait aussi, mais ce temps-là était révolu. Elle avait beau en savoir bien plus que lui sur le monde, ça n’empêchait pas Treize d’avoir lui aussi un avis valable. Le cobaye avait toujours eu une très forte intuition, et il s’y fiait même s’il lui arrivait parfois de se tromper. Rebecca l’avait bien eu, d’accord, mais ça ne l’empêchait tout de même pas de faire confiance à d’autres. Peut-être était-il trop naïf, peut-être croyait-il un peu trop à l’idée qu’il y avait du bon dans chaque personne, mais tant pis. Il préférait essayer, chercher et se tromper que vivre dans la méfiance permanente. Le tout était de trouver le juste milieu entre la candeur et le scepticisme.

Après avoir raconté un peu maladroitement que son épaule était plus ou moins guérie après ce mois d’immobilisation, Quinze lui expliqua ce qu’était un kiné. Lorsqu’il su que c’était en fait un genre de médecin, il comprit tout de suite que les choses allaient être compliquées. C’était un fugitif, un sans-papier, il ne pouvait pas se rendre chez un docteur avec son grand sourire et espérer que tout irait bien. Il allait falloir trouver une autre solution, et c’est sa sœur qui se proposa de l’aider. Treize hocha la tête tout en l’écoutant.

« Je peux tenir la douleur. »

Ça c’était clair, au cours de sa vie, Treize avait eu largement le temps d’expérimenter toute sortes de souffrances. Les scientifiques les plus sadiques du laboratoire ne manquaient pas d’imagination en la matière. Même s’il n’en avait pas franchement le physique, le jeune homme était sans aucuns doute plus résistant à la douleur que beaucoup d’hommes adultes de son âge. Ça ne lui faisait pas peur, et de toute façon, c’était nécessaire.

« Tu veux essayer maintenant ? Je me couche et tu vois ce que tu sais faire. »

Treize finit rapidement son verre de jus, et emmena sa sœur vers sa chambre. Là, il posa son écharpe sur la table de chevet, et fit l’effort d’arranger un peu son lit avec son bras valide plutôt que sa télékinésie. Il s’installa ensuite dessus, le dos appuyé contre ses coussins. Il avait entièrement confiance en Quinze, mais il demanda quand même.

« Tu as déjà fait quelque chose comme ça ? »

Il ne doutait pas que la jeune femme savait comment utiliser sa biokinésie pour blesser plus ou moins gravement, mais pour soigner, c’était une autre histoire. Il fallait être extrêmement précis sans aucun doute. C’est pourquoi il avait préféré s’allonger, il bougerait probablement un peu moins de cette manière, même si elle lui faisait mal. Treize était sûr que ça ne serait pas agréable de toute façon, même si Quinze prenait toutes les précautions du monde. Il appréhendait un peu, tout en tâchant de rester aussi détendu qu’il le pouvait. Il voulait vraiment guérir le plus vite et le mieux possible, c’était pour ça qu’il était prêt à tenter cette expérience.

[Bon c'est un peu mal écrit je trouve, j'espère que ça t’ira]

Manifestement, la discussion sur ses prises de contact avec Noé Roberts était terminée, et ce même si Andy désapprouvait toujours fortement le choix de son frère. Mais au final, elle ne pouvait pas non plus l'attacher à une chaise pour l'empêcher de bouger, et elle allait bien devoir rester passive dans cette histoire. Se contentant d'observer les faits de loin. Et de se préparer à intervenir si – ou plutôt ''quand'' – cela deviendrait nécessaire. Une prise de risque aussi inutile que dangereuse, pour lui comme pour elle, mais pour l'heure elle ne voyait pas d'autres options. De même qu'il n'existait guère de compromis face à une situation comme celle-ci.

Mais si elle l'aidait à se remettre sur pieds, elle lui assurerait aussi de pouvoir mieux se défendre lorsque cela serait nécessaire, et Quinze suivit donc son frangin jusqu'à sa chambre. Un léger sourire aux lèvres lorsqu'elle le vit remettre son lit en ordre avec sa main valide, et non pas avec sa télékinésie. Au moins, il l'écoutait sur quelque chose, tout n'était donc pas perdu …

« Allez, allonge-toi et installe-toi correctement, il faut juste que tu ais le dos et le bras bien à plat. »

Désireux de l'aider à améliorer sa biokinésie, Ray lui avait offert plusieurs livres de biologie et de médecine, et il l'avait même inscrite en faculté lorsqu'elle avait eu dix-neuf ans. Une année d'études qu'elle n'avait toutefois pas achevée dans la mesure où son mentor était décédé et qu'elle avait ensuite quitté Milwaukee pour rejoindre Chicago et tenter de dénoncer la CIA, mais tout de même, elle avait donc des bases. Beaucoup de théories – de discussions avec Ray – mais tellement peu de pratique.

« J'ai déjà soigné avec ma biokinésie, mais jamais quelque chose d'aussi important qu'une épaule cassée. Je vais aller aussi doucement que possible mais si jamais la douleur devient vraiment trop importante, je veux que tu me le dises tout de suite. C'est normal que ce soit bizarre voire inconfortable, mais ça ne doit pas non plus ressembler à de la torture, d'accord ? »

Heureusement pour lui, les bases de l'anatomie et de la kinésithérapie étaient apprises en première année, et Andy vint doucement s'asseoir à côté de Treize sur le lit. Posant sa main sur son épaule.

« On va y aller … surtout tu respires bien et tu te détends. »

Et suivant elle-même ses conseils, Quinze inspira puis expira profondément, se calmant avant de projeter doucement son esprit vers l'épaule abîmée. L'examinant une fois de plus avec attention tandis que sa biokinésie lui permit de se rendre compte que si l'os était effectivement presque ressoudé, il conservait toutefois des micro-failles. De minuscules faiblesses qui le fragilisaient et auxquelles elle choisit de s'attaquer en premier. Stimulant ainsi la régénération osseuse pendant de longues minutes, dans une immobilité totale. Dans une absence de sensation totale pour son frère également, parce que ce qu'elle faisait était pour le moment imperceptible pour lui.

Mais une fois satisfaite de ce qu'elle venait d'activer et de stimuler comme processus, Andy s'attaqua bientôt à autre chose. Décollant doucement les adhérences des tissus cicatriciels sur l'épaule, ce qui allait certainement provoquer un certain inconfort chez son frère. Comme une sensation de tiraillement qui se transforma en minuscules décharges électriques lorsqu'elle se mit en tête de stimuler les muscles pour les forcer à travailler.

Et si le tout dura à peine un petit quart d'heure, Andy sentit une lourdeur s'abattre sur ses épaules lorsqu'elle cessa enfin. Fatigue la clouant sur place telle une chape de plomb tandis que, portant sa main à son nez, elle y recueillit cette lignée de sang qu'elle observa un instant. Habituelle mais lointaine parce que depuis le temps qu'elle utilisait sa psychométrie à doses infimes, elle savait beaucoup mieux gérer saignement et fatigue. Beaucoup mieux que lorsqu'elle utilisait d'autres pouvoirs en tout cas.

« Ça va ? Je ne t'ai pas trop fait mal ? »

De son côté, la jeune femme était un peu pâle et n'aurait clairement pas couru le marathon, mais les scientifiques les avaient tellement poussé loin – quelque fois aux frontières mêmes de leurs limites – qu'elle s'en remettrait bien.

« Allez, allonge-toi et installe-toi correctement, il faut juste que tu aies le dos et le bras bien à plat. »

Treize s’exécuta sans discuter, poussant les coussins sur le côté pour s’allonger complètement. Le regard tourné vers le plafond, il écouta sa sœur lui rappeler que ce qu’elle allait tenter de faire ne devait pas être trop douloureux. Il hocha la tête, c’est sûr que s’il avait l’impression que Quinze lui cassait quelque chose plutôt que de le réparer, il allait le lui faire savoir. Malgré tout, il lui faisait confiance, même s’il était un peu tendu par la nouveauté de cette petite expérience. Elle s’assit finalement à côté de lui, et il respira un peu comme elle en attendant de ressentir les effets de son pouvoir. Pendant un moment, il ne sentit cependant rien du tout, c’était presque étrange puisqu’il s’était vraiment attendu à avoir mal, au moins un peu. C’était un peu comme se préparer à descendre une marche pour s’apercevoir après coup qu’elle était bien plus basse que ce qu’on s’était imaginé. Après quelques bonnes minutes, cela dit, il commença à sentir que ça tirait et piquait un peu. La sensation désagréable lui donnait envie de bouger, mais ce n’était pas une bonne idée, ça risquait de compromettre les efforts de Quinze.

Cessant d’observer sa sœur, Treize se remit à regarder le plafond. Il repensa à tout ce qu’il s’était passé depuis le retour inattendu de la jeune femme, pour éviter de trop se focaliser sur son épaule. Quinze était devenue une femme forte, déterminée, et un peu autoritaire aussi, elle n’avait pas tant changée que ça, mais son caractère s’était nettement affirmé. Lui, c’était moins évident, les scientifiques l’avaient gardé bien plus longtemps, ils avaient fait taire ce qu’il était à grands renforts de violence et de chocs électriques. Il commençait tout juste à pouvoir s’exprimer librement, ce qui n’avait pas beaucoup plu à sa sœur. Mais il n’y pouvait pas grand-chose, son intuition avait toujours été bien plus forte que sa raison, quand il croyait en quelque chose, il y croyait à fond. Treize eu un léger sursaut quand le tiraillement dans son épaule se transforma en picotements électriques. Il tourna les yeux vers sa sœur, elle avait déjà un peu blêmit, et un léger filet de sang coulait de son nez. Elle n’allait pas tarder à arrêter, de toute évidence. Et en effet, quelques minutes plus tard, elle se redressa et s’essuya le nez. Depuis qu’il avait fuit le laboratoire, Treize n’avait jamais fait un effort suffisamment important pour se faire saigner comme ça. Ça pouvait avoir l’air d’être une bonne chose, mais ça voulait aussi dire qu’il avait arrêté de s’entraîner, de pousser ses pouvoirs plus loin. Il allait falloir qu’il recommence, plus il renforcerait ses pouvoirs, mieux ce sera.

« Non ça va, mais toi ? »

Treize s’appuya sur son bras droit pour se redresser, avant de venir s’asseoir près d’elle. Curieux, il tenta de faire bouger un peu son épaule blessée avec de petits mouvements rotatif. Ça faisait mal, mais c’était largement supportable, et puis il sentit déjà une sensible amélioration. Maintenant, ce qui l’inquiétait, c’était l’état de sa sœur.

« Tu veux à manger ? Il ne faut pas en faire trop, tu sais. »

Bon, à priori, elle n’allait pas tomber dans les pommes non plus, mais un peu de sucre ne lui ferait pas de mal, Treize n’aimait pas voir sa sœur se mettre dans ce genre d’états pour lui. Il aurait dû lui rappeler à elle aussi qu’elle ne devait pas aller jusqu’au point de se rendre mal. Cela dit, il était maintenant un peu rassuré, son épaule allait pouvoir être soignée correctement grâce à l’aide de la jeune femme. De courtes séances comme celle-là seront sans aucun doutes d’une grande aide à l’avenir, en complément d’autres exercices le poussant à bouger son bras petit à petit. Toujours un peu inquiet pour Quinze, il passa une main dans ses longs cheveux roux pour ranger une mèche qui se baladait.

« Je suis tellement content que tu sois là. Tu sais, je croyais que tu m’avais oublié. Tu as sûrement fait plein de choses, là dehors. Moi aussi j’ai fais des choses que je n’imaginais pas depuis que je suis sorti. Je me suis senti… vivant, enfin, c’était avant Solal, maintenant je ne sais pas trop, je suis juste fatigué. »

Il était fatigué et n’avait plus envie de rien, mais l’arrivée inopinée de Quinze changeait un peu la donne. Elle lui faisait se sentir mieux, et il espérait que ce sentiment dure longtemps, même quand elle sera repartie.

« Ça va t'inquiète, c'est juste que j'utilise rarement ce pouvoir, surtout de cette façon-là. »

Aussi glauque que cela pût paraître, il était évident que Andy se servait plus de sa biokinésie pour blesser que pour guérir, d'autant plus lorsqu'il s'agissait de quelque chose d'aussi important qu'une épaule. Mais malgré ce mélange de fatigue et de saignement de nez, elle ne regrettait absolument pas de l'avoir fait pour Treize, de même qu'elle n'hésiterait pas à recommencer pour l'aider à se rétablir entièrement.

« Je veux bien un truc de sucré … un fruit ou un jus de fruit si tu as. »

Après ce genre d'effort, il était évident qu'un peu de sucre rapide allait lui faire du bien, et Andy avait porté sa main à son nez afin de faire disparaître le sang qui coulait. Son regard tombant bientôt sur son frère lorsque celui-ci passa sa main dans ses cheveux afin de repousser une mèche folle qui retombait sur son visage. Mèche désormais d'un roux vif là où – étant enfant – sa tignasse avait été plus brune. Pour le peu que ses cheveux rasés le laissaient voir en tout cas.

« Je ne t'ai jamais oublié, et lorsque j'ai capté que plusieurs d'entre nous s'étaient enfuis du labo et que tu en faisais partie, c'est toi que j'ai cherché le plus. J'hésitais à prendre contact avec toi pour ne pas nous mettre en danger, mais je te surveillais quand même pour m'assurer qu'il ne t'arrive rien … »

Une mission qu'elle n'avait que moyennement réussie d'ailleurs, parce qu'au final, Treize était quand même blessé !

« Quand Ray m'a aidé à m'enfuir, je n'avais qu'une idée : allez vous chercher. Mais il était catégorique : pour lui si on y retournait, on se ferait juste reprendre ou tuer, et j'ai eu du mal à accepter l'idée de rester loin même si je savais qu'il avait raison. »

Les premiers mois de vie commune avaient d'ailleurs été remuants parce que plus d'une fois, Andy avait provoqué des disputes avec l'homme pour lui imposer son avis. Criant et hurlant pour essayer de s'imposer ! Mais même si la gamine avait effectivement du coffre, Ray était toutefois resté extrêmement calme avec elle, et chaque fois, elle avait bien dû se résoudre à l'écouter. Parce qu'il avait raison. Parce qu'elle le savait. Même si ça lui faisait mal de l'admettre tant ses frères et sœurs lui manquaient.

« On n'avaient jamais été séparés avant, alors vivre loin de toi a été vraiment difficile. Au début, j'avais l'impression de sentir ta présence, donc je me suis dit que tu devais me suivre depuis le Void … et puis un jour ça s'est arrêté brusquement. J'ai attendu plusieurs jours mais tu ne revenais plus, alors j'ai eu peur qu'il te soit vraiment arrivé quelque chose de grave et … et j'ai piqué la voiture de Ray pour venir te chercher. Bon j'étais tellement inquiète pour toi que j'ai pas été bien loin parce que j'avais oublié de faire le plein et qu'il m'a retrouvé en rade à cinquante kilomètres de chez nous mais bon … j'ai vraiment cru t'avoir perdu le jour-là. »

En collant toujours Treize et Quinze ensemble, les scientifiques du laboratoire avaient réellement réussi à créer comme une symbiose entre eux, et leurs pouvoirs s'étaient ainsi révélés plus puissants lorsqu'ils étaient ensemble. Raison pour laquelle être séparée de son frère avait été une épreuve terrible pour Andy. Et ce même si elle ne l'avait pas vraiment montré pour l'heure, tâchant plutôt d'imposer son avis afin de protéger le jeune homme.

« Vivre loin de toi a vraiment été compliqué pour moi … comme s'il me manquait quelque chose. Alors je sais que j'en suis responsable puisque c'est moi qui suis partie mais quand même : aujourd'hui, il est hors de question qu'on soient séparés à nouveau. Raison pour laquelle je ne veux pas que tu te mettes en danger. »

Au final, la jeune femme n'avait jamais su si Treize et elle avaient un lien biologique, mais elle s'en moquait. À ses yeux, il était son frère. Sa moitié. Une véritable part d'elle-même. Et tandis qu'ils étaient toujours assis l'un à côté de l'autre, elle se pencha vers lui afin de lui coller un petit coup de tête. De cette habitude qu'elle avait souvent quand ils étaient mômes et que son frère boudait ou s'emmurait dans le silence : elle s'approchait, elle lui filait un petit coup de boule … et c'était repartit.

« Et toi, qu'est-ce qui t'es arrivé avant Solal ? Tu as découvert des choses sympas dans ce monde ? »

Si leur vie d'enfant avait été aussi spartiate que douloureuse, le monde extérieur offrait en revanche bien des douceurs et de divertissements, et Andy avait hâte de pouvoir lui faire découvrir tout ça ! De pouvoir enfin vivre librement, comme un frère et une sœur en virée ! Loin du laboratoire, de Noé Roberts, de Solal Astings … de tous ces dangers qu'elle espérait bien pouvoir éloigner d'eux à tout jamais.

Elle avait beau lui assurer que ça allait, Treize regardait toujours sa sœur d’un air inquiet. Ce n’était pas la première fois qu’elle mettait sa santé un jeu pour l’aider, et sans doute pas la dernière non plus. À chaque fois il se sentait un peu coupable, coupable de s’être fourré dans le pétrin et d’avoir forcé Quinze à venir l’en sortir. Il aurait voulu être aussi fort qu’elle, et savoir prendre les bonnes décisions, mais il fallait croire que malgré son corps d’adulte, il était resté un petit garçon un peu paumé. Tant pis, il n’était pas trop tard pour changer, avec un peu de bonne volonté. Treize hocha la tête quand la jeune femme demanda quelque chose de sucré, il y avait de quoi faire dans la cuisine. Mais avant d’y aller, Quinze lui parla plus en détails de ce qu’elle avait fait, ou voulu faire, une fois sorti du laboratoire. Il eut un mince sourire en entendant qu’elle ne l’avait pas oublié, qu’elle avait continué à vouloir le sortir de cet endroit affreux. Lui aussi avait énormément pensé à elle.

Quand il apprit que sa sœur avait tenté d’aller le chercher après qu’il eut cessé de la suivre dans le void, Treize haussa les sourcils. Il n’aurait pas imaginé que Quinze ait pu s’inquiéter à ce point. C’était incroyable à quel point le lien qui les unissait pouvait être fort, mais quand des dizaines de kilomètres les séparaient.

« Tu ne m’as jamais perdu. C’est juste… plus j’utilisais mes pouvoirs pour te voir, plus les méchants me demandaient de travailler dur. J’étais trop fatigué au bout d’un moment. Ils savaient ce que je faisais, ils voulaient que je leur dise où tu étais. J’ai arrêté pour nous protéger tous les deux, même si je voulais toujours autant te voir. »

Il sourit de plus belle lorsqu’il entendit Quinze parler du manque qu’elle avait ressenti à leur séparation. Treize avait vécu exactement la même chose de son côté. Il avait l’impression que sa sœur avait une place toute particulière dans son cœur, et que son départ avait laissé cette place vide. Même quand il la voyait dans le void, il n’arrivait pas à combler complètement ce vide. Il voyait bien la différence maintenant qu’elle était là, près de lui. Quand elle rajouta qu’elle ne voulait pas qu’il se mette en danger, il haussa son épaule valide, l’air un peu las. Pour lui, ils étaient déjà en danger, même sans rien faire. Après tout, il suffisait que quelqu’un laisse entendre qu’il se cachait ici pour qu’on vienne le chercher. C’était pour ça aussi qu’il voulait agir, prendre la CIA par surprise, plutôt que de se faire attraper au moment où ils s’y attendraient le moins.

« Et toi, qu'est-ce qui t'es arrivé avant Solal ? Tu as découvert des choses sympas dans ce monde ? »

Les yeux brillants, Treize se rappela un peu ses aventures.

« Y’a pleins de trucs à manger qui sont bons ! Les gâteaux, les bonbons, les Reese’s, le chocolat, mais pas le café, ça c’est dégoûtant. Et puis j’ai vu des gens gentils, comme Alex et Math. Sinon j’aime beaucoup le ciel, il change tout le temps, surtout le matin et le soir, des fois il a des couleurs incroyables, et des étoiles aussi. J’ai appris pleins de choses en regardant la télévision, mais je préfère sortir. Il y a pas longtemps, il y avait noël, c’était décoré partout mais maintenant c’est fini. J’espère que ça recommencera bientôt. J’ai vu plein d’animaux aussi, il y a Snow, mais en bas Alex en garde d’autres pour les soigner. Je vais les voir quand il n’y a plus personne. J’ai fais du volleyball aussi, et du basket, mais je peux plus maintenant. »

Malgré le fait que certaines découvertes, comme le volleyball, soient plutôt associées au souvenir de sa presque capture, Treize en avait gardé quelque chose de positif. Ça avait été un très bon moment, qui s’est malheureusement mal terminé. Il aurait pourtant aimé renouveler l’expérience, peut-être que quand il ira mieux, il pourra se remettre à jouer, avec Alex ou Quinze, ce serait génial.

« J’ai encore plein de choses à faire, tu pourras me montrer ce que tu aimes bien toi. Moi j’aime toujours les puzzles et les casse-têtes, ça me manque un peu de ne pas en avoir. »

On ne peut pas dire que Treize regrettait sa vie d’avant, ce n’était pas du tout le cas, mais c’est vrai que la belle collection de jeux de réflexion qu’il possédait là-bas l’avait beaucoup stimulé intellectuellement. Ici, ce n’était pas la télé qui allait l’aider, et il avait un peu trop de mal à lire pour se plonger dans un roman. Il s’était du coup un peu ennuyé par moment, car il ne pouvait pas sortir et s’amuser autant qu’il le voudrait.

« Tu peux sortir autant que tu veux toi, non ? Tu crois qu’un jour je pourrais aussi ? »

« Ne me regarde pas comme ça, je vais bien. »

Doux mensonge proféré à son frère avec le sourire, mais Andy avait bien capté l’inquiétude de Treize et elle n'avait pas envie qu'il se mît martel en tête. Si cette façon d'utiliser la biokinésie était effectivement gourmande en énergie, elle était toutefois prête à se soumettre plusieurs fois à cet effort pour lui. Et ce même s'il lui faudrait quand même espacer ces ''séances'' de plusieurs jours parce que là, elle était un peu ko … et d'expérience, elle savait très bien que ce genre de fatigue ne passait pas en cinq minutes. De même que le lien profond qui les unissait ne s'estomperait jamais. Peu importât les kilomètres les séparant. Peu importât les épreuves qui pourraient leur tomber sur le coin de la tronche !

« C'est ce que Ray m'a dit aussi pour me rassurer, mais ça ne m'empêchait pas d'être inquiète. C'est d'ailleurs à cette époque que j'ai essayé de travailler la télépathie ou alors le Void comme une acharnée, mais rien à faire, je n'y arrivais pas. C'était tellement frustrant. »

Si cela avait été possible, Quinze aurait emmené son frère avec elle sans aucune hésitation, mais Treize n'était pas prêt à ça à l'époque. Il était trop craintif du monde extérieur. Trop timoré. Autant d'excuses qui n'avaient pourtant pas eu beaucoup d'importance aux yeux de la jeune femme tant elle tenait à lui. Mais maintenant qu'il était dehors lui aussi, Andy comptait bien rattraper tout ce temps pendant lequel ils avaient été séparés, et ça passait aussi par lui faire découvrir le monde ! Un monde où son frère avait déjà largement pu jeter des coups d’œil, et ce fut un sourire franchement amusé qui retroussa les lèvres de Quinze lorsqu'elle découvrit que Treize s'était largement rempli la panse !

« Pourquoi ça ne m'étonnes pas que tu te sois jeté sur les cochonneries de ce genre ?! Déjà quand on était gosse, tu étais un vrai gouffre dès qu'on avait droit à un truc de sucré ! »

Même si leur alimentation n'avait pas pour but d'être la plus diversifiée possible, ils n'avaient toutefois pas mangé que des petits pois toute leurs vies, et ils avaient quelque fois eu la surprise de découvrir des sucreries lors de leurs repas. Des trucs quelques fois très basiques – comme des fruits ou des compotes – mais aussi de plus fous comme des gâteaux … même si c'était toutefois extrêmement rare ! Même si c'était le plus souvent des cadeaux exceptionnels que leur apportait un scientifique ou un membre du personnel, pour une raison ou une autre.

Mais plus que les sucreries, Treize semblait aussi avoir eu la chance de découvrir des gens sympas, des activités amusantes, la chaleur désintéressée des animaux, et la beauté simple de la nature. Autant d'éléments anodins pour les gens normaux, mais qui pourtant signifiaient beaucoup à leurs yeux.

« T'as vu, je t'avais dit que le monde extérieur devait être magnifique, alors c'est bien la preuve que j'ai toujours raison ! Comment est-ce que tu as passé Noël d'ailleurs ? Tu as fait ça avec Alexander ? »

Noël … si tout ce qui se rattachait à la religion laissait Andy totalement indifférente, il s'agissait en revanche d'une fête de famille qu'elle avait appris à aimer lorsqu'elle vivait avec Ray, et qu'elle aurait également voulu partager avec son frère. L'année prochaine sans doute. Elle espérait en tout cas …

« En tout cas, j'espère qu'on pourra passer du temps ensemble, parce que j'aurais plein de trucs à te faire découvrir ! Bon pas tes jeux de logique par contre, parce que je déteste toujours autant ça ! »

Du duo qu'ils formaient, Treize avait en effet toujours été l'intellectuel ! Télépathe doué et capable de passer de longues heures sur des jeux de réflexion ou des puzzle. Mais Andy elle, elle était plutôt … la chiante du lot ? La casse-couille qu'on entendait toujours de trop ? Pour la pousser à bosser plus, certains scientifiques n'avaient d'ailleurs pas hésité à la qualifier de ''ratée'' lorsqu'elle était gamine, mais elle s'en était toujours foutu profondément.

« Si tu veux, je pourrais te rapporter des puzzle ou ce genre de trucs la prochaine fois ? Et oui, je peux sortir comme je veux … officiellement, Quinze est morte il y a quelques années, alors je suis plus à l'aise. J'ai grandi, j'ai changé, je ne suis pas facilement reconnaissable et les gens sont persuadés de me connaître au moins un peu, que je suis quelqu'un de normal … et je m'appelle Andy maintenant. »

Dans la conversation, elle venait de se rendre compte qu'elle n'avait même pas encore donné son prénom à Treize, mais sans doute parce que c'était tout naturel pour elle qu'il l'appelât ''Quinze''. Parce que ça avait peut-être plus de sens à ses yeux aussi …

« Et oui, je pense qu'un jour tu pourras aussi te balader comme tu veux. Faut juste te faire discret le temps qu'ils t'oublient un peu … ou alors quitter Hawkins pour aller dans une grande ville, où on te remarquera moins. »

C'était d'ailleurs paradoxal comme proposition, parce qu'elle n'avait franchement pas envie d'être séparée de son frère à nouveau. Même si au final, son intérêt à lui primerait toujours sur le sien à elle.

« Je t’apprendrais à aller dans le void. »

Treize eut un mince sourire en entendant que sa sœur avait tenté en vain de développer ses pouvoirs psychiques pour se connecter à lui après qu’ils eurent été séparés. Il connaissait ses difficultés, au Centre, on avait tenté de la pousser à pratiquer la télépathie, les scientifiques la traitaient régulièrement de ratée et la punissait pour la forcer à utiliser les pouvoirs qui, très certainement, dormaient en elle. Ça n’avait pas du tout fonctionné cependant, tout comme Treize n’avait jamais été doué pour lire dans les objets ou créer des illusions. Pourtant rien n’était impossible, surtout maintenant qu’ils étaient réunis, et il ferait de son mieux pour qu’elle réussisse à maîtriser un peu plus ses pouvoirs. Il ne savait pas encore trop comment il allait s’y prendre cela dit, mais il y réfléchissait déjà.

Son sourire se transforma en éclat de rire quand Quinze lui fit remarquer à quel point il était gourmand. Il avait toujours eu un faible pour les sucreries, c’était bien connu, et depuis son évasion, il en avait pas mal profité pour ce qui était de se faire plaisir. Comment le blâmer, il avait tellement manqué de tout avant ça, et puis ça ne l’empêchait pas de profiter de choses beaucoup plus simple comme un coucher de soleil, ou l’affection du chien d’Alexander. Sa sœur avait bien eut raison sur ce point, le monde extérieur était merveilleux.

« J’avais peur quand j’étais petit, mais tu avais raison, oui. Pour noël je suis resté ici, avec Alexander. On a beaucoup mangé, il m’a offert une boite de Meccano, c’est rigolo, je fabrique des voitures avec. Snow a eu des jouets aussi, mais moi je n’avais rien à offrir. »

Treize avait passé un bon noël au final, même s’il était encore très mal en point à ce moment-là. Alexander avait vraiment fait de son mieux pour que ce soit un moment de fête malgré tout.

« On va passer du temps ensemble, c’est sûr ! »

Le jeune homme avait hâte de découvrir de nouvelles choses avec Quinze, c’était assez évident pour lui qu’ils allaient passer du temps ensemble maintenant qu’ils étaient réunis. Il ne voulait plus jamais être séparé de sa sœur, quoi qu’il arrive. Ils avaient tellement de temps à rattraper, tellement de choses à faire, Treize en avait les yeux qui brillaient. S’il ne lui avait clairement pas transmis son goût pour les puzzles, ils avaient malgré tout beaucoup à partager. D’ailleurs la jeune femme ne tarda pas à proposer de lui ramener des casse-tête, et il remua sur le lit d’un air excité et ravi.

« Des puzzles ? Tu en as ? Ce serait super ! Moi, Alex m’appelle Timothey, mais je n’ai pas encore beaucoup l’habitude. »

Il aimait bien son nouveau nom, mais par réflexe, il utilisait toujours celui de Treize, c’était plus fort que lui. Tout comme il appelait toujours le laboratoire sa maison alors qu’il n’y vivait plus, et qu’il n’y avait aucune ressemblance entre le Centre et un véritable foyer. C’était comme ça, quelque part, le laboratoire faisait partie de lui, il était attaché, pas affectivement, mais dans sa routine. Il devait encore apprendre à couper les liens qui le retenait à sa vie d’avant, pas comme Andy qui elle avait réussi à s’en détacher très tôt. D’ailleurs, quand sa sœur lui parla de quitter Hawkins, Treize remua la tête pour signifier que non, il ne ferait pas ça.

« Je reste ici, c’est là que sont mes frères et sœurs. Il faut les aider. »

Il n’avait aucune envie de fuir, même après ce qu’il lui était arrivé. En fait, il avait encore plus envie de se battre maintenant qu’il savait que Solal, et sans doute les autres agents, étaient prêt à les tuer. Il ne laisserait pas une telle chose arrivé à l’un des siens, ce serait trop horrible. Il n’empêche, Treize avait hâte qu’on l’oublie, et qu’il puisse à son tour vivre librement sa vie, mais il savait bien que ce ne serait pas possible avant très longtemps.

« Viens te prendre un jus de fruit, tu es encore un peu blanche. »

Si Andy était très protectrice, son frère n’était pas en reste non plus. Il se leva donc et parti dans la cuisine, puis prit un verre avec une main, ouvrit le frigo avec une main, sortit la bouteille avec une main. Il regarda ensuite le bouchon bien vissé, réfléchi, tenta de bouger son bras gauche, mais sentit un début de douleur le lancer sur tout la longueur du bras. Finalement, il fit comme si de rien n’était en se concentrant un peu, et le bouchon sauta tout seul, voila, il pouvait enfin se servir. Avec un air parfaitement innocent, il tendit le verre à Andy.

« Tu as dû apprendre plein de choses sur la ville avec tes pouvoirs. Est-ce qu’il y a des choses que je dois savoir pour ne pas me faire attraper ? »

Quand il s’agissait de se protéger, Treize savait qu’il avait beaucoup à apprendre, alors s’il y avait des gens ou des endroits à éviter le plus possible, il valait mieux qu’il soit au courant. Ça ferait toujours ça de moins à s’inquiéter.